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jeudi, 21 mars 2019

Avec Pierre Joannon

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Avec Pierre Joannon

Propos recueillis par Christopher Gérard

Ex: http://archaion.hautetfort.com 

 La parution d'un joli recueil de textes dédié à la mémoire du cher Michel Déon est l'occasion rêvée de sortir de mes archives ce bel entretien accordé par Pierre Joannon en 2006 pour la défunte NRH.

  -  Christopher Gérard : Pierre Joannon, vous êtes le spécialiste incontesté de l’histoire de la Verte Erin et de ses habitants. On ne compte plus les ouvrages que vous avez rédigés, dirigés et préfacés sur ce pays qui fascine tant les Français. Vous publiez ces jours-ci aux Editions Perrin, une monumentale Histoire de l’Irlande et des Irlandais de près de sept cents pages. D’où vous est venue cette passion pour l’Hibernie ? Seriez-vous la réincarnation lointaine d’un barde gaël ?

pjmdéon.jpg-  Pierre Joannon : Navré de vous décevoir ! Aucune goutte de sang irlandais ne coulait dans mes veines jusqu’à une date récente. En 1997, le Taoiseach(Premier ministre) de l’époque a dû sans doute estimer qu’il y avait là une lacune à combler, et il me fit octroyer la nationalité irlandaise, une reconnaissance dont je ne suis pas peu fier. On peut en tirer deux observations : que l’Irlande sait reconnaître les siens, et qu’on peut choisir ses racines au lieu de se contenter de les recevoir en héritage ! D’où me vient cette passion pour l’Irlande ? D’un voyage fortuit effectué au début des années soixante. J’ai eu le coup de foudre pour les paysages du Kerry et du Connemara qui correspondaient si exactement au pays rêvé que chacun porte en soi sans toujours avoir la chance de le rencontrer. Et le méditerranéen que je suis fut immédiatement séduit par ce peuple de conteurs disert, roublard et émouvant, prompt à passer du rire aux larmes avec un bonheur d’expression qui a disparu dans nos sociétés dites évoluées. L’histoire de cette île venait à point nommé répondre à certaines interrogations qui étaient les miennes au lendemain de la débâcle  algérienne. Je me mis à lire tous les ouvrages qui me tombaient sous la main, tant en français qu’en anglais. Etudiant en droit, je consacrais ma thèse de doctorat d’Etat à la constitution de l’Etat Libre d’Irlande de 1922 et à la constitution de l’Eire concoctée par Eamon de Valera en 1937. Un premier livre sur l’Irlande, paru aux Editions Plon grâce à l’appui bienveillant de Marcel Jullian, me valut une distinction de l’Académie Française. A quelques temps de là, le professeur Patrick Rafroidi qui avait créé au sein de l’Université de Lille un Centre d’études et de recherches irlandaise unique en France, m’offrit de diriger avec lui la revue universitaire Etudes Irlandaises. En acceptant, je ne me doutais guère que j’en assumerai les fonctions de corédacteur en chef pendant vingt-huit ans. Je publiais, dans le même temps plusieurs ouvrages sur le nationalisme irlandais, sur le débarquement des Français dans le comté de Mayo en 1798, sur de Gaulle et ses rapports avec l’Irlande dont étaient originaires ses ancêtres Mac Cartan, sur Michael Collins et la guerre d’indépendance anglo-irlandaise de 1919-1921, sur John Hume et l’évolution du processus de paix nord-irlandais. J’organisais également plusieurs colloques sur la Verte Erin à la Sorbonne, au Collège de France, à l’UNESCO, à l’Académie de la Paix et de la Sécurité Internationale et à l’Université de Nice. Enfin, en 1989, je pris l’initiative de créer la branche française de la Confédération des Ireland Funds, la plus importante organisation internationale non gouvernementale d’aide à l’Irlande réunissant à travers le monde Irlandais de souche, Irlandais de la diaspora et amis de l’Irlande. Vecteur privilégié de l’amitié entre nos deux pays, l’Ireland Fund de France que je préside distribue des bourses à des étudiants des deux pays, subventionne des manifestations culturelles d’intérêt commun et participe activement à l’essor des relations bilatérales dans tous les domaines. Ainsi que vous pouvez le constater, l’Irlande a fait boule de neige dans ma vie, sans que cela ait été le moins du monde prémédité. Le hasard fait parfois bien les choses.

-  C. G. : Pourquoi ce titre Histoire de l’Irlande et des Irlandais  ? N’est-il pas un peu redondant ?

-  P. J. : Nullement. On peut disserter sur l’Irlande, sur la France, et succomber par excès de conceptualisation aux idées reçues, aux stéréotypes. Revenir aux composantes de la population oblige à prendre en compte une réalité qui résiste aux simplifications abusives. Pour comprendre cette histoire pleine de bruit et de fureur, il faut restituer aux Irlandais la diversité et la complexité qui caractérise leurs origines : Gaels, Vikings, envahisseurs normands, Anglo-normands plus ou moins hibernisés, Vieux Anglais catholiques, colons cromwelliens et williamites, Ecossais d’Ulster, « mere Irish » soumis ou rebelles, catholiques inféodés au Château de Dublin, Anglo-irlandais convertis au nationalisme ou piliers de l’unionisme, descendants de Huguenots, fidèles de la Church of Ireland ou protestants non-conformistes, suppôts de l’Ordre d’Orange ou de l’Ancient Order of Hibernians, Irlandais de souche ou de la diaspora, nombreux sont les alluvions qui ont fait de ce peuple ce qu’il est devenu. Lorsqu’on parle des Irlandais, il convient toujours de se demander « Mais de qui parle-t-on exactement ? ».

- C. G. : Est-ce à cause de cette diversité que les Irlandais semblent traverser, à intervalles réguliers, une crise d’identité qui les pousse à chercher une réponse à cette lancinante interrogation « What does it mean to be Irish ? ».

-  P. J. : Sans aucun doute. Et ce trait que vous soulignez n’est pas nouveau. Dans Henri V, pièce écrite aux alentours de 1599, Shakespeare fait dire au capitaine irlandais MacMorris : « What ish my nation ? » - Qu’est-ce que ma nation ? C’est la première expression littéraire de cette crise d’identité qui, sous des formes diverses, est une des constantes de l’histoire irlandaise. Le poète Seamus Heaney, Prix Nobel de littérature, ne dit pas autre chose lorsqu’il écrit : « Notre île est pleine de rumeurs inconfortables ». Cette volonté de refuser l’embrigadement imposé par des définitions en forme de pièges réducteurs exprime une identité en perpétuelle recherche de nouvelles formes. Chemin faisant, les Irlandais d’aujourd’hui ont enfin tordu le cou à ce complexe d’ex-colonisé qui les figeait dans une posture victimaire et un syndrome de ressentiment qui bridait leurs énergies. C’est patent en République d’Irlande, même si cela est moins évident dans cette Irlande du Nord occupée à panser les plaies de trente années de guérilla urbaine et d’affrontements inter-communautaires qui ont laissé dans les esprits des séquelles difficiles à évacuer.

pjhirl.jpg- C. G. : Vous soulignez qu’il existe en Irlande deux traditions historiographiques, l’une nationaliste focalisée sur les rapports conflictuels avec l’Angleterre, l’autre moins isolationniste et plus européocentrique. Laquelle vous semble la plus pertinente ? Votre approche de l’histoire irlandaise a-t-elle évolué depuis 1973, date de votre premier essai sur la Verte Erin ?

- P. J. : Il existe, en effet, deux lectures complémentaires de l’histoire irlandaise. Il y a d’abord la lecture « traditionnelle » narrant la destinée d’un peuple conquis et colonisé entre le XIIe et le XVIIe siècle, qui s’efforce de s’émanciper tout au long du XIXe, utilisant pour cela la voie parlementaire aussi bien que l’insurrection ou la guérilla, et qui finira par obtenir son indépendance politique dans le premier quart du XXe siècle, au terme d’affrontements qui préfigurent le grand mouvement de décolonisation qui devait sonner le glas des empires coloniaux au lendemain de la seconde guerre mondiale. Et il y a une lecture « européocentrique », mettant en lumière la dialectique qui sous-tend toute l’histoire irlandaise, la faisant s’éloigner de l’Europe à mesure qu’elle s’intègre davantage à un monde britannique dont elle ne parvient pas à se dégager, et la faisant au contraire se tourner vers l’Europe et même s’agréger à elle dans la phase de recherche de son indépendance et, à plus forte raison, dans la phase d’affirmation de cette indépendance chèrement payée. Quant à savoir où je me situe, il est clair que l’on ne peut écrire l’histoire de l’Irlande en 2006 comme on le faisait à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix. il y a quarante ans, l’historiographie nationaliste, imprégnée de cette philosophie du ressentiment dont je parlais à l’instant, était toute puissante. On ne pouvait guère échapper à son influence. Aujourd’hui, les Irlandais ont pris du recul, des documents nouveaux ont été découverts et exploités, l’analyse d’éminents historiens comme Roy Foster ou Joseph Lee ont fait bouger les perspectives. En ce qui me concerne, peut-être suis-je moins crédule, moins naïf, moins déterministe dans mon approche. Je connais mieux l’Irlande. J’ai vieilli. Je pense être mieux armé intellectuellement pour restituer à cette histoire son épaisseur humaine et sa complexité sans tomber pour autant dans l’autre piège réductionniste du révisionnisme anti-nationaliste systématique qui a sombré dans le discrédit il y a une dizaine d’années environ.

- C. G. : Quelle est votre figure préférée de l’histoire irlandaise ?

pjmc.jpg- P. J. : Je suis bien en peine de vous répondre. Il existe tant de figures attachantes ou admirables : Parnell, Michael Collins, de Valera, John Hume aujourd’hui. Peut-être ai-je une prédilection pour Theobald Wolfe Tone, ce jeune avocat protestant qui fut, au dix-huitième siècle, « l’inventeur » du nationalisme irlandais après avoir échoué à intéresser les Anglais à un fumeux projet de colonisation. Il voulait émanciper les catholiques, mobiliser les protestants, liquider les dissensions religieuses au profit d’une conception éclairée de la citoyenneté, briser les liens de sujétion à l’Angleterre. Artisan de l’alliance franco-irlandaise il a laissé un merveilleux journal narrant ses aventures et ses intrigues dans le Paris du Directoire. On y découvre un jeune homme curieux, gai, aimant les femmes et le bon vin, fasciné par le théâtre et les défilés militaires, enthousiasmé par Hoche et beaucoup moins par Bonaparte. Capturé par les Anglais à la suite du piteux échec d’une tentative de débarquement français en Irlande, il sollicita de la cour martiale qui le jugeait la faveur d’être passé par les armes « pour avoir eu l’honneur de porter l’uniforme français ». Elle lui fut refusée : il fut condamné au gibet. La veille de l’exécution, il se trancha la gorge avec un canif et agonisa toute une semaine avant d’expirer le 19 novembre 1798.

- C. G. : James Joyce disait qu’il voulait, par son œuvre, « européaniser l’Irlande et irlandiser l’Europe ».  N’est-ce pas ce qui se passe depuis une vingtaine d’année ? 

- P. J. : Sans aucun doute. L’Irlande est devenue européenne. Et l’Europe lui a apporté beaucoup. Plus encore que des subventions, non négligeables, et la possibilité de dynamiser une économie en quête de débouchés, c’est le désenclavement des énergies et des mentalités, la fin d’un tête à tête oppressant qui se traduit par l’instauration d’une relation apaisée avec un voisin dont on se sent moins dépendant, le rattachement au continent d’une conscience libérée des pesanteurs de l’histoire et de la géographie, et la confiance que ce destin partagé finira par reléguer les violents soubresauts du Nord au magasin des vieilles querelles oubliées. Quant à l’irlandisation de l’Europe, elle va bon train. On fête la Saint Patrick du Nord au Sud du vieux continent. Les pubs irlandais fleurissent à tous les coins de rue. La littérature irlandaise est traduite en français, en italien, en espagnol. Les pièces de Frank Mc Guinness et de Brian Friel triomphent sur les scènes du monde entier. Neil Jordan décroche le Lion d’Or du Festival de Venise. Le groupe rock U2  se classe premier au hit parade international. Riverdancejoue à guichets fermés à Paris, à Londres, à Nice. Wilde, Joyce, Yeats, Beckett continuent de dominer de leur haute stature le corpus littéraire de notre temps. On pourrait multiplier les exemples.

-  C. G. : Votre ami Michel Déon qui a préfacé votre belle biographie de Michael Collins s’insurge contre cette prospérité « qui s’abat sur l’Irlande comme la pédophilie sur le bas clergé ». Etes-vous sensible à ce danger qui pèse sur l’Hibernie ?

- P. J. : Bien sûr, tout n’est pas parfait dans ce pays en pleine mutation qu’est devenu l’Irlande. Le Tigre Celtique a bien des taches sur son pelage. Le jeune cadre dynamique qui descend Dawson Street, un téléphone portable collé à l’oreille, n’a plus grand chose en commun avec le baladin du monde occidental de Synge. Mais, entre les plaintes de la tradition et les mirages de la modernité, les Irlandais qui ont déjà triomphé de la misère et de l’auto-flagellation, sauront rester fidèles à l’idée qu’ils se font d’eux mêmes et que nous nous faisons d’eux. Du moins est-il permis de l’espérer !

 

samedi, 08 septembre 2018

Pour que la Bretagne reste la Bretagne

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Revue War Raok, n°52, à paraître

Pour que la Bretagne reste la Bretagne

par Padrig Montauzier

Que la Bretagne reste la Bretagne, que l’Europe reste l’Europe… ils ne supportent pas ! Ils, ce sont les  adversaires des peuples qui composent les véritables patries charnelles en Europe : Basques, Ecossais, Bretons, Catalans, Gallois, Flamands, Corses, Irlandais… etc., peuples enracinés luttant pour rester eux-mêmes, vivre et conserver leur culture spécifique, leurs traditions, leur religion, leur langue. Ces adversaires (pourquoi ne pas tout simplement parler d’ennemis) dont la stratégie consiste uniquement à diaboliser sont adeptes du remplacement des valeurs qui passe par le remplacement des populations. Cette pratique cynique porte un nom : génocide par substitution. Leur souhait, que la Bretagne, terre celtique, devienne une terre multiculturelle et métissée. Pour imposer cet objectif ils usent d’une arme de destruction massive : le changement de peuple et de civilisation.

On ne peut plus déporter les peuples comme savaient si bien le faire les régimes totalitaires communistes. Les époques ont changé, les méthodes également mais le résultat reste le même. L’arme employée aujourd’hui est une arme non létale, un procédé plus habile, plus subtil mais tout aussi efficace. On se sert de la crise migratoire actuelle, on organise ainsi une substitution ethnique dont on se demande si l’objectif final n’est pas le remplacement pur et simple d’une population, d’un peuple. Cette submersion migratoire en Bretagne, nouvel outil de colonisation de l’Etat français, risque, à terme, de dissoudre le caractère spécifique breton de sa population historique. Nous devons nous opposer à toute assimilation des peuples par colonisation et substitution planifiée des populations. En Bretagne, l’immigration colonisatrice, la désintégration de la société bretonne… la perte de notre identité sont des poisons mortels qui doivent être combattus par tous les moyens, en privilégiant le principe du droit du sang, ultime garantie et barrière juridique avant la mort programmée du peuple breton.   

Notre position sur l’immigration de populations non-européennes, avec leur religion, leurs cultures inassimilables, se nourrit de notre expérience de nationalités en lutte pour leur survie et la reconquête de leur caractère-propre. Elle est donc choisie sereinement et avec rigueur. Nous sommes opposés à l’immigration extra-européenne comme au néo-colonialisme économique et culturel qui l’accompagne ordinairement, ainsi qu’à la dépersonnalisation et au déracinement des peuples. Nous refusons bien évidemment le mondialisme et son projet de métissage universel et nous prônons la relance de la démographie de nos peuples.

Nous rejetons le misérabilisme, nous refusons de gémir sur des maux nés en partie de notre faiblesse, car nous savons que notre action prend place dans une longue suite de renaissances. Nous affirmons que la plus haute forme de la politique et de l’accomplissement de soi c’est de servir la nature de son peuple, de lutter sans cesse pour la défendre, l’améliorer, en promouvoir les valeurs. C’est, dans un combat qui n’aura pas de fin, d’en transmettre la garde aux générations de demain.

Ce que nous refusons pour les ethnies d’Europe, nous le refusons aussi pour les peuples du monde.

Pour conclure, ce danger mortel qui consiste à remplacer les populations, à détruire les peuples et les ethnies, n’est ni une peur irraisonnée ni un fantasme. C’est une réalité, il suffit pour s’en rendre compte de se promener dans les rues de Rennes, de Nantes, de Brest ou de Lorient.

Padrig MONTAUZIER.

Site WAR RAOK MOUEZH BREIZH : http://www.war-raok.eu
Site SAUMONS DE BRETAGNE : http://saumonsdebretagne.hautetfort.com    

mercredi, 31 janvier 2018

W.B. Yeats: Irish Revolutionary Conservative

“I do not appeal to the professional classes, who, in Ireland, at leastappear at no time to have thought of the affairs of their country till they first feared for their emoluments – nor do I appeal to the shoddy society of ‘West Britonism‘ – but to those young men clustered here and there throughout our landwhom the emotion of patriotism has lifted into that world of selfless passion in which heroic deeds are possible and heroic poetry credible.” – Ireland and the Arts. W.B. Yeats.

The political and cultural figures present in the early foundation of the Irish State present Irish liberals with some quandaries. Beneath the narrative of Irish independence being an inherently progressive movement betrayed by a post-Treaty “carnival of reaction”, lies an irreconcilable fact that the many of the figures driving separation from Britain belonged to a stridently conservative brand of thinking. Any budding conservative movement in Ireland should embrace these figures and cultivate a counter-narrative in response to the simplistic mistruths presented in works such as Ken Loach’s “Wind that Shakes the Barley”. Here, the Irish struggle is distilled down to a failed left wing revolt and those of a conservative inclination are portrayed as flagrantly unpatriotic and sometimes even at odds with Irish language revivalism.

The character of W.B. Yeats ranks perhaps first and foremost amongst those figures. Despite his Anglo-Irish background, he threw himself wholeheartedly behind not merely the political separation of his country from Britain, but the equally important task of forming a distinct Irish consciousness. First a political Tory committed to the cause of Irish freedom, he later became a reform-minded senator campaigning against the myopia of the Church-dominated Free State whilst simultaneously advocating for a more conservative state. Yeats, from the onset, strikes the modern reader as an enigma with his distinct brand of politics.

Yeats formed a central plank in what is now termed the Gaelic Revival, a cultural movement that emerged to fill the vacuum in Irish life after the fall of Parnell in 1891 with a yearning to revive the traditions and customs of Ireland in an increasingly anglicised world. In the minds of Yeats and fellow revivalists, Ireland was besieged under the weight of Anglo-American modernity. He recognised a state of affairs that could only be reversed by committed cultural nationalism in the fields of arts and education. Whilst officially apolitical, the Gaelic Revival would act as an incubator for most of the future revolutionaries who would eventually sever formal British rule in Ireland and nurture the early Free State.

ladygregory.jpgDespite cultural nativism being at its centre, Yeats’s Protestant background was shared by most of the leading figures of the movement. Among these were the Galway based aristocrat and folklorist Lady Gregory, whose Coole Park home formed the nerve centre of the movement, and the Rathfarnham born poet and playwright J.M. Synge, who later found solace in Irish peasant culture on the western seaboard as being a vestige of authentic Irish life amid a society of anglicisation. The poet’s identification with both the people and the very landscape of Ireland over the materialist England arose from his early childhood and formative experiences in Sligo, a period that would define him both as an artist as well as a man.

Yeats’s formal conversion to the cause of Irish separation came primarily through his relationship with the veteran Fenian John O’Leary, a minor member of the Young Irelanders. These were a group of mainly Trinity College based nationalists who split off from O’Connell’s Repeal movement. O’Leary had spent large tracts of his life in exile following the botched 1848 rebellion. Whilst abroad, he cultivated a distinctly cultured brand of Irish nationalism drawing not only on the recent traditions of the Young Irelanders but which also encompassed a wide range of influences stretching all the way back to classical antiquity. This form of nationalistic expression appealed very much to the twenty year old Yeats with its patriotic elements and emphasis on the individual in the shaping of history. Soon after his acquaintance with O’Leary, Yeats became a member of the fraternal organisation the Irish Republican Brotherhood, a secret oath bound group organised along semi-masonic lines counting the likes of Michael Collins and the leadership of the Easter Rising among their number and which played an often overlooked role in the securing of Irish freedom.

Whist being traditionally associated as a man of the right, Yeats did in fact rub shoulders with a group of left wing radicals in the form of the Socialist League, a bohemian group sympathetic to Irish nationalism and lead by the artist William Morris. The League attracted many Victorian artists to it’s ranks, including Oscar Wilde and Bernard Shaw. Though Yeats was sympathetic for a time to a form of socialism that would best promote the welfare of artists, he parted ways due to his disagreement with the “atheistic premises of Marxism” that the League embraced. Regardless of that, the League nurtured in Yeats a brand of politics that harboured respect for the individual within society, as well as furthering his disdain for the system of values of a decadent and increasingly mechanised England and the ascendant Catholic bourgeois in Ireland.

KOH.jpgDespite some apprehension about the nature of the Easter Rising, as well as a latent sense of guilt that his work had inspired a good deal of the violence, Yeats took a dignified place within the Irish Seanad. He immediately began to orientate the Free State towards his ideals with efforts made to craft a unique form of symbolism for the new State in the form of currency, the short lived Tailteann Games and provisions made to the arts. Despite his objection to anti-divorce legislation passed by the Free State and his defence of Republican prisoners, the writer Grattan Freyer details how the poet’s primary gripe with the new state was a failure to be sufficiently conservative, to cast off any trappings of liberalism inherited from England, and embrace some sort of aristocratic order (with Yeats no doubt playing a major role). In cabinet, he found minister Kevin O’Higgins (photo) as a potential ally and was so aghast at the young minister’s death at the hands of Republican gunmen that he penned his poem “Blood And The Moon” a defence not only of the ailing world of the Anglo-Irish aristocracy to which he belonged, but also to the poet’s brand of conservative politics.

Yeats very famously had a bumbling relationship with the Blueshirts Ireland’s proto-fascist movement, which was born out of Treatyite politics and disgruntled farmers’ anger at De Valera’s trade war with the UK. There appears even to have been a ham-fisted attempt by Yeats to fashion the Blueshirts in his image with what one would imagine to be humorous attempts made to lecture Blueshirt leader Eoin O’Duffy on finer points about Hegel by the Nobel laureate, who did still script several marching tunes for the movement. Yeats’ anti-communism fitted naturally with an already conservative outlook of life and with his Burkean understanding that any utopian vision regarding the perfection of man and the trampling down of supposedly oppressive hierarchies, rested not merely on flimsy axioms but on an inevitable mound of corpses. Regardless to the extent of his involvement with Irish fascism this was to be Yeats’ final venture into the world of politics, with the poet largely withdrawing into artistic solitude in his final years. He had left a considerable mark on the Irish state and Irish people as a whole, even if today, their primary understanding doesn’t go beyond the handful of traditionally learnt poems of the Leaving Cert.

In an era when the Irish appear to be jettisoning any form of national distinctness retained after 700 years of colonisation in favour of the bum deal of cosmopolitanism, and with conservatives driftless in the shadow of a fallen Church, the potential use of Yeats as a cultural icon is attractive. Within this dynamic figure we see a man motivated by a sheer love of one’s own country as well as a desire to see a newly independent Ireland fashioning an identity from the richness of her traditions. There is not an iota of doubt that the poet would find himself at home in the embryonic conservative movement embodied in a journal such as this, and in similar movements across the western world which are at odds with the current order of affairs.

We Irish, born into that ancient sect
But thrown upon this filthy modern tide
And by its formless spawning fury wrecked,
Climb to our proper dark, that we may trace
The lineaments of a plummet-measured face.”  -The Statues by W.B. Yeats

jeudi, 24 août 2017

Robert STEUCKERS, Pages celtiques

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Robert STEUCKERS,

Pages celtiques

A paraître, septembre 2017

A commander :

ladiffusiondulore@gmail.com

Ce nouveau recueil de Robert Steuckers explore de multiples champs de réflexion autour de la question celtique.

Des origines de la déesse celtique Brigid devenue sainte irlandaise, en passant par la mythologie des Iles britanniques et la saga du christianisme irlando-écossais, l’étude du projet politique pan-celtique de la République d’Irlande, ou encore une causerie sur la notion de « patrie charnelle », sans oublier un vibrant hommage au nationaliste breton Olier Mordrel, cet ouvrage rassemble les attributs permettant de parfaire nos connaissances sur ce foisonnant héritage celte.

 

 

mardi, 06 septembre 2016

An Alternative History of Scottish Nationalism

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An Alternative History of Scottish Nationalism

Ex: http://empire-and-revolution.blogspot.com 
 
The remarkable rise of the Scottish National Party (SNP), which is now a liberal-left party led largely by 1968 leftists, masks the ethno-nationalist roots of the party and the broader ethno-nationalist undercurrent of the Scottish Nationalist movement as a whole. In this article, we intend to explore some of the personalties that made up this early movement, their activities and detail some of their ideas that influenced the early SNP and which would make the likes of Alex Salmond, the current leader of the SNP, cringe in embarrassment, even though they make up a substantial section of the SNP's early history and political direction.

Lewis Spence and the Mysteries of Britain

LewisSpence4.jpgThe first Scottish nationalist to contest a Westminster parliamentary seat in Scotland was the journalist, poet and folklorist Lewis Spence in January 1929. He polled 842 votes (a worthy 4.5% of the vote) in the Midlothian and Peebles Northern constituency which was won by Labour in a three-cornered fight with Spence and the Conservatives. Spence's Scottish National Movement had combined in 1928 with other Scottish Home Rule organisations, including the Gaelic revivalist Ruariridh Erskine's Scots National League, to form the National Party of Scotland (NPS). Later in 1934, the NPS amalgamated with the more conservative Scottish Party to form the modern-day Scottish National Party which exists today under the capable leadership of Alex Salmond.

mystBrBO1,204,203,200_.jpgAn idea of what animated Lewis Spence's political thought can be extracted from his 1905 book The Mysteries of Britain: Secret Rites and Traditions of Ancient Britain (reprinted in 1994 by Senate). The book is dripping with erudition and politically incorrect racial and ethnic analysis relating to the origins of the pre-Christian native religion of the ancient British Isles and the indigenous people of those islands who practised it. Spence concludes: "In no individual born in these islands does there not flow the blood of the Druid priests and seers, and I confidently rely on British mystics, whatever their particular predilections, to unite in this greatest of all possible quests, the restoration of our native Secret Tradition," arguing that "we Britons are much too prone to look for excellence outside of the boundaries of our own island" and "that we should so weakly rely on alien systems of thought while it is possible for us to re-establish our own is surely miserable."

He called for the "restoration of the entire fabric of British native mysticism" concluding "the missing stones of that fabric lie directly beneath our feet in the soil of our own island, and it depends entirely upon our patriotism and our vigilance whether they shall be recovered and once more fill the gaps and seams in the ancient edifice of British arcane wisdom."

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Wendy Wood
In contrast to the electoral approach of the NPS/SNP, which had mixed results, a group of militant ethno-nationalists led by the English-born Wendy Wood, a founder member of the NPS, via Lewis Spence's Scottish National Movement, decided that a non-party approach would be more effective and left the infant SNP to engage in more direct militant action. This involved rowdy protests and demonstrations against all forms of Unionism as well as speaking and propaganda tours across Scotland advocating a Scottish cultural revival and political independence. In the 1930s, she founded the youth group, Scottish Watch, which later became, in 1949, the Scottish Patriots, which existed until her death in 1981 boasting a few thousand members to rival the SNP in popularity amongst Scottish ethno-nationalists.

Wood is also cited in the Preface to Spence's Mysteries of Britain book where he states: "I cannot close without expressing my sincere thanks to Miss Wendy Wood for the eight excellent drawings which she has made for this book. Deeply imbued with the Keltic spirit and versed in the details of Keltic antiquity, she has infused them with the richness of Keltic imagination and mysticism."

Scottish cultural and social nationalism

The leader of the Scots National League, Ruairidh Erskine, despite his aristocratic lineage, had close links to important Scottish socialist figures, such as John Maclean, the influential Scottish Marxist and a left-wing nationalist. However, despite his support for land reform and other socialist measures, Erskine was regarded as a reactionary figure by many on the burgeoning socialist left in Scotland because of his deep commitment and support for a Scottish Gaelic cultural revival, including everyday use and development of the language. Erskine was also close friends with another Gaelic revivalist, the journalist, William Gillies, another nationalist with close links to the socialist left, but who, like Erskine, was more interested in the revival of the Gaelic language and who campaigned to make Gaelic the national language of Scotland in order to counteract the increasing hegemony of the English language and English-speakers amongst the Scottish people, particularly the working classes in Scotland's towns and cities.

Gillies also advocated close links to Irish nationalists and was involved in the establishment of a volunteer force called Fianna na h-Alba that was ready to use armed force to win Scottish independence. However, following advice by the legendary Irish nationalist leader, Michael Collins, the plan was abandoned after he argued in a letter that the militant Scottish nationalists "do not appreciate the particular difficulties they are up against," particularly with regards the lack of significant public support in Scotland for such action and the relative strength of the British state north of the border compared to the situation in Ireland.
 
Scottish Fascism
 
macdia5_9279902163.jpgAnother significant pre-war figure in politically incorrect Scottish nationalism was the celebrated Scottish poet, Hugh MacDiarmid (born Christopher Murray Grieve) a founder member of the National Party of Scotland, who in 1923, a year after Mussolini's rise to power in Italy, wrote two articles calling for a Scottish Fascism which would engineer as part of its programme a Scottish national revival and radical social justice across the country. MacDiarmid also set up a Scottish Fascist combat organisation called Clann Albainn which existed as an underground movement for many years, even after its founder finally embraced communism. Later, he would be expelled from the SNP because of his communist views. Upon joining the Communist Party, MacDiarmid, rather ironically, would eventually be expelled for his nationalist views!

Like many European nationalists, including the Flemish, Breton and Ukrainian nationalists, along with nationalists closer to home in Wales and Ireland, MacDiarmid saw opportunities for Scottish nationalism in the advance of Nazi Germany and the possible unravelling of the British state following a German invasion of England.

In 1941, he wrote to a friend: "On balance I regard the Axis powers, tho' more violently evil for the time being, less dangerous than our own government in the long run and indistinguishable in purpose." A year earlier he had written: "If the Germans win they could not hold their gains for long, but if the French and British win it will be infinitely more difficult to get rid of them" and, as a result, he hoped for a quick Nazi victory in order to advance the Scottish nationalist cause.

Towards the end of his life, MacDiarmid became the President of the 1320 Club (the year of the Declaration of Abroath which reaffirmed Scotland's determination to remain independent of England at the time) which was the ultra-nationalist forerunner to the ethno-nationalist Siol nan Gaidheal 'ginger group' which rose to prominance in the seventies and eighties.

"Scotland's Quisling"

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Arthur Donaldson
Arthur Donaldson, a future leader of the SNP between 1960 and 1969, just like MacDiarmid, hoped that an early Nazi victory over the British government would advance the Scottish nationalist cause. Along with a number of other leading Scottish nationalists, he was arrested in May 1941 because of his support of the Scottish Neutrality League and the suspicions of MI5 that some Scottish nationalists intended to set up a breakaway Scottish government in the event of a Nazi invasion of Britain and that Donaldson, according to MI5, was a potential leadar of this government and "Scotland's Quisling" in the making! Donaldson and his compatriots were arrested and held without charge under Defence Regulation 18B by the British state. He was held for six weeks, but was eventually released as the British authorities decided not to reveal the identity of the MI5 agent who had infiltrated them.

The report by the MI5 agent that prompted their arrest was later released after Donaldson's death and it included a conversation with Donaldson which prompted MI5's belief that he was a National Socialist sympathiser and a potential pro-German collaborator.

The report read:
"During a long conversation, Donaldson gave great praise to Germany saying that England would be completely crushed by the early Spring; the Government would leave the country and that England's position would be absolutely hopeless, as poverty and famine would be their only reward for declaring war on Germany. Scotland on the other hand had great possibilities. We must, he declared, be able to show the German Government that we are organised and that we have a clear cut policy for the betterment of Scotland; that we have tried our best to persuade the English Government that we want Scottish independence and that we are not in with them in this war. If we can do that you can be sure that Germany will give us every possible assistance in our early struggle. The time is not yet ripe for us to start a visible campaign against England, but when fire and confusion is at its height in England, we can start in earnest. He then went on to tell them he had an idea in his mind for fixing up a wireless transmitting set in a thickly populated district in Glasgow or Edinburgh, in order to give broadcasts to the public. At the moment he is working very hard in an endeavour to combine all the Nationalists together as a unit, whereby they can strike out with great force when the time comes."
After the war, during his leadership of the SNP, the party began to organise more professionally under his guidance and poll more credibly at elections which, as a result, culminated in the famous Hamilton by-election victory for the SNP in 1967. However, in 1969, Donaldson was replaced as leader of the party after a leadership challenge by the social democrat, Billy Wolfe, who helped pave the way for Alex Salmond's ascendancy in the party today.

Seed of the Gaels

Post-war, the flame of Scottish ethnic nationalism was mainly kept alive by Siol nan Gaidheal (SnG), which means in Scottish Gaelic - the Offspring or Seed of the Gaels!

 

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Siol nan Gaidheal - kicked out of the SNP at the same time as Alex Salmond.
 
This Scottish ethno-nationalist group was established in 1978 and paraded in blackshirts and kilts at Scottish Nationalist demonstrations and protests organised by the SNP and other groups. In 1982, SnG was proscribed from the SNP, along with the socialist 79 Group, which included Alex Salmond in its ranks though his expulsion was later overturned by the leadership. SnG went into a rapid decline after that setback but has subsequently been revived a number of times, most notably by Jackie Stokes, a militant ultra-nationalist, in the late eighties.

In the 1980s, SnG produced a magazine called Firinn Albannach (Truth of Scotland) which was described as being "anti-communist, neo-fascist and sometimes violent in tone" in a survey of British and Irish political groups conducted by liberal academics from Manchester University.

Free Scotland

The Free Scotland Party, led by Brian Nugent, broke away from the SNP in 2004 over disagreements about the European Union (EU) and Scotland's future membership once independent. The party stood for an independent Scotland, independent of both the British state and the EU superstate, with Norway, an independent non-EU country, identified as a model for a future independent Scotland. The party contested a number of elections in 2005 and 2007 with Jim Fairlie, a former Deputy Leader of the SNP, standing as one of the candidates, but none were successful.

A Scottish Future for Scottish Nationalists

Despite the current stranglehold on the party by 1968 leftists, the SNP is steeped in an ethno-nationalist tradition with roots that go back to its very origins and formation before the Second World War. Genuine Scottish nationalists now need to consider their position in Scottish politics. They must, in our opinion, unite and rally around a Scottish First-type organisation that can provide direction and meaning following independence which now seems highly possible, even if the NO campaign is temporarily able to halt the trend towards independence. It is obvious that the Tory/UKIP/BNP unionist position, bolstered by the religious sectarian cranks of the Orange Order, is no longer an option for serious ethno-nationalist activists and campaigners. The same logic also applies to the Scottish sovereignists of Free Scotland who should also be approached for their views on a possible realignment and amalgamation. In the meantime, we wish Scotland and its people well in their journey towards self-determination and freedom.


Originally published at Civil Liberty

jeudi, 16 juin 2016

Hen Wlad Fy Nhadau Land of My Fathers Welsh National Anthem

Hen Wlad Fy Nhadau

Land of My Fathers

Welsh National Anthem

samedi, 14 mai 2016

Cumann na mBan, un mouvement de femmes celtes

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Pâques 1916. Cumann na mBan

Un mouvement de femmes celtes

Par Fabien Régnier

03/05/2016 – 07h00 Dublin (Breizh-info.com) – Fabien Régnier, rédacteur en chef de la revue Keltia Magazine, nous adresse en exclusivité pour Breizh-info.com un article tiré du dernier numéro consacré notamment à l’Irlande.

Au début du XXe siècle, il était admis dans tous les pays que les femmes ne pouvaient en aucun cas participer à des combats. Même au plus dur de la Première Guerre mondiale, les belligérants n’envisagèrent le rôle des femmes qu’à l’arrière, comme infirmières ou comme ouvrières d’usines quand le manque d’hommes devint criant. Elles n’avaient d’ailleurs pratiquement aucun droit, et surtout pas celui de voter ou de participer à la vie active des divers pays car on ne les en jugeait pas dignes.

C’est pourtant une toute autre vision du rôle de la femme qu’allait développer le mouvement insurrectionnel irlandais, seul en Europe à renouer avec l’une des plus honorables caractéristiques de la culture celtique, concernant la place des femmes dans la société. Après le départ des Anglais, les insurgés du Sinn Fein établirent des structures dans lesquelles hommes et femmes avaient les mêmes droits et les mêmes fonctions. Mais il y eut un début héroïque à tout cela. Il est très peu connu et nous voulons vous en parler.

La fondation

Le premier meeting, considéré comme acte fondateur, eut lieu à l’hôtel Wynne à Dublin, le 2 avril 1914, c’est-à-dire quelques mois seulement avant le déclenchement de la Guerre mondiale1. La situation tragique de l’Irlande sous occupation anglaise, l’impitoyable traitement qui lui était infligé et n’était que le prolongement de nombreux siècles d’oppression, avait conduit l’organisation de la résistance nationaliste autour du Sinn fein2. Celle-ci incorporait principalement des hommes, mais les femmes irlandaises souffraient tout autant que ceux-ci. La femme qui prit l’initiative de cette réunion se nommait Kathleen Lane-O’Kelly. On peut donc légitimement lui attribuer la fondation du mouvement. Celui-ci prit le nom celtique de Cumann na mBan qui, en gaëlique signifie tout simplement « Association des Femmes ».

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Le « Haut Arbre »

Des « branches » furent mises en place, la première portant le nom de Ard Chraobh (le Haut Arbre, en référence au chêne sacré des druides). À partir de ce moment, ces militantes de la renaissance irlandaise commencèrent à s’entraîner au maniement du fusil et du revolver. Une photo représente la comtesse Constance Markiewicz3 un revolver à la main en plein entraînement. Toutes ces femmes avaient conscience de l’imminence du combat pour la liberté. Et toutes étaient prêtes à se sacrifier pour ce qu’on nommait « la Cause ». 10 000 femmes irlandaises s’enrôlèrent dans le Cumann na mBan au cours des deux années qui suivirent sa fondation, ce qui est énorme, surtout pour un si petit peuple.

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L’insurrection

Lorsque les volontaires entrèrent dans Dublin, le 23 avril 1916, pour se sacrifier afin d’accomplir la première révolution celtique de l’Histoire, en sachant par avance qu’ils seraient écrasés, ils pénétrèrent dans la ville tenue par d’énormes forces anglaises par divers côtés.

pg-20-32.jpgCe même jour, les Dublinois eurent la surprise de voir 70 femmes armées de fusils pénétrer dans la cité dans un ordre impeccable. Elles savaient toutes ce qui les attendait. Pourtant, elles avançaient sans hésitation. C’était le Cumann na mBan.

Certaines, commandées par Winifred Carney, prirent position dans le GPO (General Post Office) qui, inlassablement pilonné par l’artillerie anglaise, allait devenir le symbole de la résistance pour tous les Celtes conscients. D’autres mirent en place des barricades derrière lesquelles elles se retranchèrent à Bolland’s Mill sur le grand canal des docks de Dublin, pour y bloquer l’arrivée des renforts anglais.

En dehors de ces combattantes, d’autres femmes du Cumann na mBan soignèrent les blessés sous la mitraille et les obus. Elles furent également des héroïnes de l’insurrection, même si elles ne se battirent pas.

Ella Young, la comtesse Markievicz et bien d’autres, combattirent avec acharnement. Cette dernière abattit un soudard au service des Anglais qui tirait sur les positions insurgées.

Helena Molony fut grièvement blessée en attaquant le Château de Dublin, place forte des occupants où se trouvaient notamment les geôles dans lesquelles ils torturaient à mort les patriotes.

Il y eut des mortes et des blessées et, parmi les survivantes, bon nombre furent capturées et emprisonnées par les Britanniques. Mais ceci est une autre histoire.

Agnes O’Farrelly assuma la direction du mouvement de sa fondation jusqu’à 1916. La comtesse Markievicz prit sa suite. Cent ans plus tard, les femmes d’Irlande rendent toujours hommage au Cumann na mBan. Nous avons voulu quant à nous réparer l’injustice qui consiste, de ce côté-ci du Channel, à en ignorer jusqu’à l’existence.

Fabien Régnier.

1. En août 1914.
2. « Nous-mêmes ».
3. Elle ne devait en réalité son titre de comtesse qu’en raison du fait que son époux était un comte polonais, révolutionnaire patriote, ayant fui la Pologne occupée, après l’écrasement de l’insurrection patriotique par les armées russes.

Crédit photos : anphoblacht
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

samedi, 07 mai 2016

The Rise of the Celts and Britain’s Doom

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The Rise of the Celts and Britain’s Doom

Ex: http://www.katehon.com

The main outcome of yesterday’s local elections in the UK does not concern the gains or losses of Labor or the Tories. The point is not even the first Muslim mayor of London, Sadyq Khan, although this is, of course, important. Nor is the point the modest gains of UKIP in England. The most crucial result was none other than the Welsh nationalist party, Plaid Cymru, coming in second place in Wales, a country which has long been a stronghold of the Labor Party. In tandem with the Scottish National Party’s majority in Scotland for the third time in a row, Plaid Cymru’s success is a sign of the ongoing identity crisis in the UK. Whiles these two Celtic parties support the independence of their lands from England, their rise presumes that a large part of the Welsh and Scottish peoples no longer wish to be associated with Great Britain. This has also been fueled by growing disenchantment with the rivaling Labor and Tory parties, and the search for new leaders outside of the existing political elite. UKIP’s rising popularity, on the other hand, is also an alternative, but one quite different from the Celtic “revanche.”

Plaid Cymru’s Left Continentalism

With each new election, Plaid Cymru confidently gains more votes. It is not difficult to predict that they soon might be the ruling party just as the Scottish National Party rallies a firm majority in Scotland. Then, the question of Wales’ self-determination will once again be relevant. In terms of domestic policy, Plaid Cymru advocates socialist economic and social policies, a progressivist cultural agenda, and promotes Welsh identity. The party pays significant attention to local Welsh problems, which is what has brought it close to ordinary people. In terms of foreign policy priorities, Plaid Cymru intends for Wales to leave the UK and seek independent membership in the EU. Plaid Cymru is also the only significant British party which firmly stands against independent Wales’ membership in NATO. Even the SNP abandoned this ideal in 2012. Thus, from a geopolitical point of view, the Welsh nationalist party can be describes as European-Continentalist.

The Battle of Dragons

The Welsh people are descendants of the native Britons, a Celtic people displaced on the outskirts of the island of Britain by the Anglo-Saxon invasion. The interactions, fights, and mergers between the Celtic and Germanic, Anglo-Saxon identities is what formed the historical uniqueness of Britain. The battle of the Red Dragon which is symbolic for the Celts against the White Dragon which symbolizes the Saxons as part of broader Arthuriana (an episode first described in the 8th century Historia Brittonum) has been enshrined in the historical identity of the Welsh people. Interestingly enough, according to a prophesy attributed to Merlin, the Red Dragon of Wales will ultimately defeat the English.

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The fight between the red and white dragons: an illustration from a 15th-century manuscript of Geoffrey of Monmouth's History of the Kings of Britain.

A failed identity

Since the end of the Second World War and following the collapse of Britain’s colonial empire, the isles have witnessed an ongoing crisis of identity. Previously, the British identity was an imperial one closely linked with the famous imperative of “ruling the waves.” To be British meant building an empire, bearing the burden of the white man, and triumphantly conquering the world. From a geopolitical point of view, this was the adoption of the maritime mission as fate. Yet this identity disappeared almost overnight. The UK is no longer a global power like it used to be, and it has not been the center of empire for many decades already. But what is it supposed to be now? A simple European nation-state? Unlike France, Britain never embraced a homogenous, nationalist agenda as its state ideology. The pre-1789 ethnically diverse population of France was made “French”, while in Britain, even though the Irish and Welsh were repressed, these nations managed to maintain their identity and languages.

From Empire to monarchical federation

Insofar as it centered around the imperial mission, British identity was broad, heterogeneous, and embraced the English, Welsh, Scottish, and Irish origins of Britishness. It was thus constructed for imperial expansion. When this expansion ceased to be necessary, Britain was still too big and diverse to become a normal European nation-state. This structural change unleashed previously suppressed Scottish and Irish national identities, whose nationalist movements began to grow. The UK predictably began to evolve in the direction of a European style de-facto federation like Germany or Spain and granted more autonomy to all the major ethni, except the English one. Surprisingly, the English were forgotten. As the independent nations of Britain started to develop autonomy, the logical consequence of federalism on an ethnic basis, England was left out of this process.

The English devolution

As a result, the Irish, Scots, and Welsh have their own assembles and even parliaments, while the English people do not. The Westminster parliament is allegedly their representative organ, but it is also simultaneously supposed to represent the whole country. Unlike the other native ethnic groups, the English people have no independent voice since English identity is absorbed by the larger British one. Thus, the core people of the UK have become the most vulnerable to multicultural propaganda to the point that contemporary British identity mostly concerns one’s passport, rather than history or ethnic origin. The old British identity is being destroyed by hordes of migrants from the Third World, yet a new one is not emerging. As usual, any emphasis on “English identity” is portrayed as extremism. Unlike the Scottish and Welsh nationalists who are respected by the government and media, their English counterparts are labeled as mere fascists. Artificially suppressed English nationalism is thus prevented from manifesting itself in a healthy form, thus channeling the vital energy of those who are not absorbed by mere consumerism into the abyss.

The problem of England

On the other hand, the Celtic peoples of Britain perceive the rule of London as English rule. This assumption is historically true, but is now unfair. This perception will continue until England will develop its own governing institutions paralleling the general British ones. In addition, the presence of Scottish and Welsh deputies in the general English parliament as well as their own legislatures allows for these national minorities to effectively defend their rights, even often at the expense of England in their pushing of nationalist and even separatist agendas.

There have been and still are calls for a devolved English parliament. In 2014, this initiative was supported by 59% of Englishmen according to opinion polls. Theoretically, this would turn Britain into a federation of equilibrium, where the special status of the border regions would be balanced by the English voice. But this nationalism is built on the resistance by inertia of the weak, liberal Britishness, and thus bolsters the trend towards secessionism in other parts of the kingdom.

The two dragons fly in different directions

Besides this, the rise of any independent English voice (whose people are now the secret people of Chesterton who have “not spoken yet”) now will only aggravate the messy situation in the country because of the different views held by the peoples of the UK on the most crucial of matters today - Brexit. 

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For example, while the Welsh and Scotts (and people of Northern Ireland as well) are pro-EU, most English are against the Union. If England were to have its own Parliament, it would be highly Eurosceptic with new radical parties gaining power as it was in Scotland and Wales in similar situations, and would thus enter into conflict with those of Wales and Scotland. This issue demonstrates that the peoples of the UK see their futures differently, thus aggravating the situation in the country. The economic benefits associated with membership in EU are themselves highly disputable, even in the cases of Wales and Scotland.

Thus, support for the EU is a deliberately political choice on their parts. And this is the main cause for concern. If it were otherwise, separatist parties would not have received such support. Overall, we are dealing with:

1. The rule of liberal, multicultural ideology which blurs the common British identity
2. The rise of new Celtic nationalisms
3. A vague new English nationalism as a response to the above-mentioned trends
4. Diametrically different approaches among the English and British Celts to the country's future.

These internal problems can ruin Britain any moment, even quicker than the growth of the Muslim population.

mardi, 03 mai 2016

Die irische Rebellion

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Die irische Rebellion

by

Ex: http://younggerman.de

800 Jahre Fremdherrschaft

Irische Butter und Kleeblätter – dazu ein paar Kobolde in Goldtöpfchen und ein seit einer halben Ewigkeit anhaltender Kleinkrieg auf Sparflamme. Der Nordirlandkonflikt mag Angesichts der dringenderen Probleme an den Grenzen der EU aus den Medien verschwunden sein. Aber er hat relativ wenig an Aktualität verloren. Irland ist nicht mehr das „Backwater country“ von früher, wo englische Lords über die Massen an Leibeigenen und verarmten Kleinbürgern herrschen konnten. Die Éire hat ihre Unabhängigkeit zumindest teilweise zurückgewonnen und dennoch schwelt unterschwellig der Konflikt zwischen Iren und Briten weiter. Viele Stimmen in der irischen Bevölkerung und in der britischen sind durchaus der Meinung, dass man endlich das Kriegsbeil begraben und die Vergangenheit ruhen lassen sollte. Aber ganz so einfach ist es dann doch nicht, wenn man zurückblickt und sieht, dass der Groll der Iren tief sitzt. Für die Briten waren die letzten 800 Jahre ihrer Geschichte eine Abfolge von Siegen und großen Errungenschaften. Über die britischen Könige des Mittelalters, der englischen Vormachtsstellung in Europa und später durch das Empire auf dem ganzen Globus, bis zu den Siegen in den Weltkriegen. Industrielle Revolution, Bürgerrechte und Liberalismus machten aus Britannia die prägende Nation von weltgeltung, die Irland niemals war und wohl niemals sein wird. Iren und Briten haben ein ganz unterschiedliches historisches Gedächtnis. Im Jahr 1169 wird ein weiterer Schritt für die Dominanz Britanniens in den Geschichtsbüchern gesetzt, als die Normannen die irische Insel erobern und die einheimischen Bewohner in die vergleichsweise öden Teile ihres eigenen Landes verbannen. Es beginnt eine brutale Eroberungskampagne, wie damals überall so üblich, welche die katholischen Iren zu unfreiwilligen Untertanen des aufsteigenden englischen Machtzentrums macht. Man fühlt sich automatisch an den alten griechischen Melierdialog erinnert, in welchem die militärisch stärkeren Athener den Meliern folgendes an den Kopf warfen :

„the strong do what they can and the weak suffer what they must“ 

Die englische Insel war der irischen Insel militärisch überlegen und die Konsequenz dieser Überlegenheit war die totale Unterwerfung unter die Herrschaft der Engländer, die bei aller Gerechtigkeit nicht sonderlich besonnen oder feinfühlig mit ihren irischen Nachbarn umgingen. Dies mag jedoch der Moral der Zeit geschuldet sein, welche in den unteren Schichten der Gesellschaft (und dazu gehörten faktisch fast alle Iren) keine sonderlich wichtigen oder schützenswerten Elemente sah. Die Geschichte der Iren ist in den nächsten 400 Jahren eine Abfolge von Repression und Revolution gegen die neuen Herrscher; ein beständiges Aufbegehren gegen die besitzenden Eliten und ihre Militärmacht. Rückständige Clans der irischen Einwohner waren jedoch keine ernstzunehmende Bedrohung für die erstarkende Macht an der Themse. Es ist für die Iren bedauerlicherweise so, dass selbst bei erfolgreichen Revolten im Innern der irischen Insel, mit Regress von Osten zu rechnen war.

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Oliver Cromwell nahm einen solchen Regress an den Iren in seiner berüchtigten Strafexpedition im 17. Jahrhundert. Für die Briten ist Cromwell ein elementarer Teil ihrer durchaus ruhmreichen Geschichte. Für die Iren ist er der Dschingis Khan der grünen Insel, der brutalste Verbrechen an der Bevölkerung dort begang und die Insel nach einer kurzen Revolte dort wieder unter die Herrschaft der Krone brachte. Die an den Iren verübten Gräuel sind für die Zeit relativ dokumentiert und erinnern an die deutschen Ereignisse im Dreißigjährigenkrieg, wo ähnliche Verbrechen an der leidenden Zivilbevölkerung begangen wurden. Überhaupt erinnert Irland an eine Art übergroßes Brandenburg, dass mit ländlicher Rückständigkeit und bäuerlichem Charme besticht. Eben Brandenburg ohne ein Preußen und daher ohne Glanz und Macht. Irland gehörte auch zu jenen Ländern, die ähnlich wie Brandenburg von der Kartoffel profitieren sollten. Für eine Zeit lang zumindest, bis die Kartoffelfäule 1846 bis 1849 in der Großen Hungersnot gut bis zu 2 Millionen Iren dahinraffte. Und obwohl es sehr besorgte Stimmen im Königreich Großbritannien gab, welche sich für das Leid der hungernden Iren stark machten, geschah von Seiten der Regierung nichts. Tatsächlich hatte sie die Fäule durch die repressive Agrarpolitik mitverursacht und es gab sogar solche Individuen wie Sir Charles Edward Trevelyan, welche in den Iren minderwertige Subjekte sahen. Für ihn war die Fäule und die Hungersnot eine gerechte Strafe Gottes und der Tod von Millionen Iren wurde von ihm sogar begrüßt. Das ist insofern wichtig, da er als Administrator Einfluss auf die britischen Politik ausübte und verhindern konnte, dass Nothilfe die Iren erreichte. Der psyschologische Effekt, wenn ein Viertel der Bevölkerung stirbt, ist dramatisch und sollte den Deutschen sehr wohl bekannt sein. Wir haben im Dreißigjährigen Krieg und vorher mit der Beulenpest ähnliche Gräuel durchgestanden. Für die Iren ist es das prägenste und bis heute wichtigste Ereignis der jüngeren irischen Geschichte. Ähnlich dem Völkermord an den Armeniern von der Dimension. Für viele Iren besteht kein Zweifel, dass die Briten einen Genozid begangen haben. Zustimmung erhalten die irischen Positionen hier vor allem aus Indien, wo während und zwischen den Weltkriegen ähnliche Hungersnöte innerhalb der indischen Bevölkerung zu Millionen Toten geführt haben. Auch hier waren die Briten indirekt oder direkt verantwortlich. Eine Fußnote in der Geschichte des Empires, die weniger ruhmreich ist und von vielen lieber verdrängt wird.

Nordirland ist der letzte Brückenkopf

Nun geht es aber um den Konflikt im „Heute“ und man sollte sich gut vorstellen können, warum vielen Iren es sehr schwer fällt, die Vergangenheit zu begraben und einfach „Frieden“ zu haben. Nicht nur wäre dies ein Bruch mit dem seit 800 Jahren andauernden Widerstand gegen die Briten, sondern es gibt einen omnipräsenten Grund in der Jetztzeit. Nämlich Nordirland. Das Stück fruchtbare Land im Nordosten, welches von der Krone nicht zurückgegeben wurde bei Gründung des unabhängigen Irlands. Es ist die letzte Erinnerung an die englischen-protestantischen Kolonialherren, die dort auch heute noch leben. Unionisten, welche lieber beim Königreich verbleiben würden und sich großteils nicht als Iren sehen, wenngleich sie ihr Protektorat mit vielen katholischen Iren teilen müssen. Wenn die Geschichte anders verlaufen und die Iren die dominante Insel gewesen wären und heute einen Teil Englands halten würden, wäre es wohl genau anders herum und die Iren wären die fremdländischen Besatzer. Aber so ist es nicht und die Iren sind die Schwachen in diesem Konflikt. Nordirland exisitiert als beständige Präsenz des für die Iren grausamen Empires und es vereint gleich drei Probleme in einem Land.

Erstens: Die verschiedenen Identitäten; katholisch Irisch oder britisch-protestantisch – für Nordirland ist dieser ethnisch-religiöse Konflikt von immenser Bedeutung, gewinnt er doch durch einen gewissen Klassenkonflikt noch an Intensität.

Zweitens: Nordirland ist ein Teil des Vereinigten Königreiches und gehört zur Krone. Für die Iren ist jedoch die gesamte irische Insel ihre Heimat und sie erheben Anspruch auf den Besitz der ganzen Insel. Dies ist für Irland von brisanter Bedeutung, da Großbritannien die Souveränität der Iren dadurch unterwandert. Eine starke militärische Präsenz durch Briten während des Kalten Krieges brachte auch die Iren in ein gewisses Dilemma, da ihre Insel selbstverständlich zum Ziel wurde für nukleare Schläge im einem Schlagaustausch zwischen UDSSR und USA. Vor allem deshalb, weil die Iren sich sonst verhältnismäßig neutral halten.

Drittens: Ökonomische Ungleichheit zwischen Iren und Briten – obwohl die Verhältnisse längst nicht so dramatisch sind wie noch vor einigen Jahrzehnten, gibt es doch eine Diskrepanz zwischen Briten und Iren was ihren Wohlstand angeht. Für die besitzenden Klassen aus Großbritannien und viele alteingesessene Adlige, besteht ein Interesse am Erhalt von Nordirland da sich dort ihr Besitz befindet. Viele Iren sehen in den wohlhabenden Unionisten jedoch eine Fortführung britischer Elitentradition.

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Es ging immer gegen London

Es ist jener letzter ökonomischer Faktor, welcher die irischen Revolutionäre auch immer wieder in die offenen Arme sozialistischer Ideologien trieb. Katholischer Kommunismus der Iren, gepaart mit einem Nationalismus und einer antiimperialistischen Färbung, streckte oft die Hände aus. Manchmal nach Moskau und manchmal nach Berlin. In beiden Weltkriegen suchten irische Nationalisten/Revolutionäre Hilfe im Ausland – egal wo. Hauptsache es ging gegen die Briten. So halfen deutsche Agenten irischen Nationalisten im Ersten Weltkrieg und auch von Seiten des aufbegehrenden Sozialismus bekamen die Iren immer wieder Hilfe. Bis heute. Es passt auch zur proletarischen Natur und Geschichte der Inselbewohner, die sich nicht als Eliten verstanden haben und auch keine waren. Eine Kritik die man wohl an den Aufständischen äußern muss, ist ihr unkritisches Verhalten gegenüber vermeintlichen Verbündeten im Kampf gegen Großbritannien. Solange der neue Allierte sich ebenfalls im Kampf gegen die Briten betätigt, wird über seine Fehler hinweg geschaut. „Der Feind meines Feind ist mein Freund“. Der Aufstand der Iren ist die Revolte der Schwachen und Kleinen und das war er schon immer.

Die Iren haben in diesem Konflikt ihr Land verloren, ihre ursprüngliche Sprache (das Englische wurde ihnen aufgezwungen) und sie haben Millionen ihrer Angehörigen verloren. Es ist vielleicht die Verzweiflung, welche sie in düsteren Gefilden nach Allianzen suchen lässt.

Ein Spaziergang durch die Straßen Nordirlands erinnert an arabische Städte, wo die Graffities von Märtyrern mit Sturmgewehren an jeder zweiten Hauswand kleben. Wenn die Iren jedoch glauben, in den Palästinsern oder generell in arabisch-islamischen Terroristen Freunde zu haben, weil diese ebenfalls gegen Großbritannien kämpfen, dann irren sie sich. Zwischen Belfast und Beirut liegen eben doch – Welten. 

lundi, 28 mars 2016

Conférence: Patrick Pearse et le nationalisme irlandais

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lundi, 28 décembre 2015

Breiz Atao! Mordrel, Delaporte, Lainé, Fouéré: une mystique nationale

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Breiz Atao! Mordrel, Delaporte, Lainé, Fouéré: une mystique nationale (1901-1948)

Interview de Sébastien Carney

Ex: http://www.leblancetlenoir.com

Rennes (Breizh-info.com) – Les Presses Universitaires de Rennes ont publié, fin novembre, un ouvrage intitulé « Breiz atao », écrit par Sébastien Carney. Maître de conférences en histoire contemporaine à l’UBO (Brest), il s’est spécialisé depuis plusieurs années dans l’étude des mouvements non-conformiste de Bretagne, ainsi que dans le régionalisme et le séparatisme. Le propos de son ouvrage ? Il est de dire que l’on ne comprendra rien à Mordrel, Delaporte, Lainé ou Fouéré, tant qu’on s’obstinera à n’en faire que des « collabos».

L’histoire du mouvement breton ne se réduit pas à des épisodes spectaculaires et dramatiques de la Seconde Guerre mondiale : ceux-ci ne furent que la mise en application d’idées énoncées bien avant, partout en Europe, et adaptées à la Bretagne par quelques personnalités hors norme.

Pour faire le point sur le livre, nous avons interrogé son auteur.

Breizh-info.com : Pouvez-vous présenter votre ouvrage et vos travaux. Qu’est ce qui ne fait pas de ce livre » une étude de plus sur Breiz atao « ?

breiz-atao.jpgSébastien Carney : Le titre de mon ouvrage évoque à la fois la revue, le cri de ralliement et le surnom dont se sont eux-mêmes affublés les militants d’avant 1944. Aussi ne porte-t-il pas uniquement sur Breiz Atao, qui fut publiée entre 1919 et 1939, puis reprise momentanément en 1944, mais sur le parcours de quatre personnes, quatre ténors du mouvement breton du début du XXe siècle, que j’ai souhaité suivre de leur naissance à leur exil en Irlande ou en Argentine. Tout ce qui se passe après ne relève pas de mes recherches. Mon propos était de sortir d’une vision monolithique de l’histoire du mouvement breton considéré comme un tout original, auto-engendré, qui aurait connu une dérive dans l’entre-deux-guerres.

Aussi fallait-il le comparer à d’autres mouvements de pensée – les « non-conformistes » – actifs au même moment dans le reste de la France et dans d’autres pays d’Europe, notamment en Allemagne. Je ne voulais pas en rester non plus à la Seconde Guerre mondiale, qui n’est finalement que la mise en œuvre d’idées et de projets maturés bien avant et pas seulement en Bretagne. De plus, jusqu’à présent les chercheurs se sont surtout demandé pourquoi ce mouvement d’avant 1944 n’avait pas percé. Il me semblait important de renverser cette problématique et tâcher de comprendre pourquoi une poignée de personnes s’était acharnée dans un militantisme qui les menait d’échecs en échecs, qui par ailleurs impactait fortement leur entourage, à commencer par leurs familles. Aussi ai-je essayé de suivre ces personnages au plus près, pour comprendre leur engagement.

Breizh-info.com : Comment avez-vous mené votre étude ? A quelles archives avez-vous eu accès ? Avez-vous fait de nouvelles découvertes ?

Sébastien Carney : Pour mener à bien ce travail j’ai dépouillé toute la presse militante bretonne de l’époque, qui a été très prolifique, mais aussi quelques revues de mouvements « non-conformistes » parisiens qu’on appelle aujourd’hui les « relèves » : L’Ordre Nouveau, Esprit, Mouvements, essentiellement. Les archives publiques sont aujourd’hui largement accessibles, parfois sur dérogation, que l’on obtient sans problème. Les archives départementales sont évidemment une source primordiale, mais il y a aussi des choses dans certaines archives municipales, aux archives nationales. J’ai également pu accéder à certains fonds privés : celui de Yann Fouéré à l’Institut de Document Bretonne et Européenne de Guingamp, qui est énorme, très riche et très varié ; celui d’Olier Mordrel, qui est également très important. Quant aux papiers de Raymond Delaporte et de Célestin Lainé, ils ont été versés au Centre de Recherche Bretonne et Celtique, à Brest. Un second fonds Lainé existe aux archives nationales galloises, à Aberystwyth, où je me suis rendu. J’ai également accédé à d’autres fonds en Irlande, en Angleterre, aux États-Unis et aussi en Allemagne, où on trouve par exemple de la correspondance entre des militants bretons et Friedrich Hielscher, gourou de Gerard von Tevenar, qui eut lui-même une grosse influence sur Lainé et Mordrel, entre autres.

Cela m’a permis de mettre en évidence le rôle de la Grande Guerre dans l’édification de cette génération très tôt confrontée au politique, à la violence. Quand l’armistice a été signé, ces jeunes gens promis à la guerre se sont retrouvés privés du sens que l’on avait donné à leur vie, et de l’expérience irremplaçable et vite mythifiée que fut le front. « C’est au feu que l’on voit les hommes », disait en substance son père à Mordrel. Il leur a fallu trouver une autre mission dans laquelle se dépasser. Ce fut la politique, toujours aux marges. En cela ils ont rejoint d’autres de leur génération, qui à Paris, mais aussi ailleurs en Europe, animaient les mouvements « non-conformistes ». Ainsi le modèle qu’ils ont suivi est bien moins l’Irlande que les relèves « réalistes » des années 1920, « spiritualistes » du début des années 30, et la « révolution conservatrice » allemande par la suite. Tous ces mouvements visaient à réformer l’État, l’économie, la société, rénover l’homme, restaurer la personne en dehors des cadres établis. Tous se disaient ni à droite, ni à gauche. En Bretagne, les militants se disaient « na ruz, na gwenn, breizad hepken » et leur personnalisme s’étendait du combat pour la langue bretonne à la théorisation d’un racisme breton. Le mouvement breton de l’entre-deux-guerres est une version locale du personnalisme que défendaient ailleurs les gens de L’Ordre Nouveau ou d’Esprit, et des idées de la « révolution conservatrice » allemande. La Seconde Guerre mondiale a donc été perçue comme l’occasion unique de mettre ces principes en application.

Breizh-info.com : Mordrel, Delaporte, Lainé, Fouéré, sont, pour la plupart des Bretons, de purs inconnus. La faute à qui ? Pour d’autres, ils sont des « collabos » , des « traîtres ». Ne faut-il pas relativiser cela et replacer toute leur action dans un contexte bien particulier de l’époque ? Qui étaient-ils vraiment ?

Sébastien Carney : L’histoire est une méthode mais aussi un processus assez long. La Seconde Guerre mondiale étant une période symboliquement très chargée dans l’histoire du mouvement breton, il s’est produit pour cette dernière ce qu’on a constaté pour l’histoire de Vichy. Il existe un syndrome de Vichy, qui a vu se succéder plusieurs attitudes face à l’Occupation, après la Libération. Une période de deuil et de règlements de compte a été suivie d’une seconde période, de refoulement celle-là, puis, dans la fin des années 1960, début des années 1970, des chercheurs ont commencé à faire leur travail, et on assiste depuis à un retour du refoulé. Dans le même temps, les archives publiques se sont ouvertes, de même que les archives privées. Tout cela est très humain, ce n’est la faute de personne. Pour que les gens entrent dans l’histoire, il faut laisser faire les historiens, chaque chose vient en son temps.

Il n’appartient pas à l’historien d’identifier les traîtres, ni de relativiser, au risque de diluer les responsabilités des uns et des autres. La collaboration de nombre de membres du mouvement breton ne fait aucun doute. Certains d’entre eux ont pu refuser cette qualification ensuite, pour se disculper, ou tout simplement parce qu’ils se considéraient davantage comme des alliés de l’Allemagne.

Qui étaient-ils vraiment ? Tenter de les résumer en quelques mots reviendrait à penser que Mordrel a toujours été Mordrel, ce qui est absurde. Chacun d’entre eux a été une succession, et parfois une accumulation de personnages, variant au gré de leur éducation, de leurs lectures, de leurs rencontres, de leurs conflits, des événements. C’est ce que j’ai voulu montrer sur 600 pages, et je laisse le soin au lecteur de le découvrir.

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Breizh-info.com : Quid de la destinée de Célestin Lainé ?

Sébastien Carney : Exilé en Irlande et naturalisé irlandais, Lainé a passé la reste de sa vie à ressasser et consigner par écrit ses ressentiments à l’égard de Mordrel et Delaporte, ainsi qu’à justifier l’action de l’Unité Perrot. Atteint d’un cancer, il a cherché dans la macrobiotique des remèdes à même de le guérir et a publié un article sur ce sujet dans un ouvrage de George Ohsawa, dont il s’est rapproché un moment. Assez pour faire évoluer sa foi celtique en une version qu’il voulait celtique du Yin-Yang. Reclus, il vivait chichement des légumes qu’il parvenait à faire pousser autour de sa caravane. Dans les années 1970, quelques jeunes activistes lui ont rendu visite, mais il ne prenait déjà plus part au combat breton.

Breizh-info.com : Quelles étaient les relations entre les différentes factions politiques régionalistes ?

Sébastien Carney : Le mouvement breton de l’entre-deux-guerres était traversé de nombreuses fractures. Entre les « vieux » et les « jeunes » par exemple, c’est-à-dire entre les régionalistes d’avant 1914 et les nationalistes d’après 1918. Quelques passerelles ponctuelles se sont établies entre ces deux tendances, mais pas de quoi les unir. Yann Fouéré a dépensé une énergie folle à tenter d’unifier le mouvement breton mais en vain : les personnalités et les prétentions des uns et des autres étaient bien trop fortes et clivantes pour arriver à quelque consensus que ce soit. Même l’abbé Perrot n’a pas fédéré tout le monde. Il était l’ami de chacun individuellement, mais pas assez pour que tous soient liés entre eux.

Breizh-info.com : Pourquoi ne pas s’être attardé plus que cela sur le personnage de Debeauvais ?

Sébastien Carney : Je n’ai pu aborder Debauvais dans la mesure où je n’avais pas ses archives. Sans matériaux, je me suis résigné à le laisser de côté, temporairement j’espère.

Breizh-info.com : Depuis Breiz atao, il ne semble pas que l’Emsav ait connu un mouvement d’une telle ampleur. Comment a-t-il pu être anéanti à ce point selon vous ? Etait-il vraiment en phase avec la population bretonne ?

Sébastien Carney : Breiz Atao, si l’on parle de la revue, s’est éteinte en 1939 lorsque Debauvais et Mordrel ont décidé de partir en Allemagne. Là, ils ont animé d’autres publications – Ouest Informations et Lizer Brezel – avant de revenir en Bretagne où ils ont créé L’Heure bretonne. Quand Lainé a relancé Breiz Atao en 1944, c’était essentiellement pour s’adresser à un groupe restreint. Ce sont donc ses animateurs qui ont décidé de la destinée de leur revue.

Si l’on évoque la nébuleuse nationaliste qui gravitait autour de Breiz Atao ou du souvenir lié à cette revue dans les années 40, il est clair qu’elle n’était pas du tout en phase avec la population bretonne. Aussi on ne peut pas dire qu’elle ait été anéantie, dans la mesure où elle n’avait auparavant aucun écho réel.

Breiz Atao ! Mordrel, Delaporte, Lainé, Fouéré : une mystique nationale (1901-1948) – PUR – Sébastien Carney – 25€

Photo : Archives Breizh-info.com
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Breiz Atao ! Mordrel, Delaporte, Lainé, Fouéré : une mystique nationale (1901-1948). Interview de Sébastien Carney

samedi, 16 mai 2015

Brocéliande ou la filiation celtique des Européens

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Brocéliande ou la filiation celtique des Européens

par Marie Monvoisin
Ex: http://www.breizh-info.com

Lors du 2ème  colloque de l’Institut Iliade qui s’est tenu à la Maison de la Chimie, à Paris, le 25 avril dernier, Marie Monvoisin a évoqué Brocéliande, haut-lieu de l’univers celtique européen.

En termes de haut-lieu, nous aurions pu évoquer bien des sites de l’hexagone. Mais Brocéliande présente un atout particulier en ce sens que le fonds culturel des Celtes y est toujours présent et qu’il suffit d’y puiser pour retrouver un certain état d’esprit.

Certes, des historiens objectifs vous expliqueront à juste titre que les Celtes sont les vaincus de l’histoire et qu’ils n’ont pu nous transmettre l’essence de ce que l’on subodore de l’âme celte. Il n’empêche que nous en avons connaissance aujourd’hui, et nous pouvons nous la réapproprier, en ces temps troublés de perte d’identité, de perte de sens, et de vagabondage culturel.

N’est-il pas étrange, si l’on y réfléchit, qu’un Européen cultivé n’ignore rien de l’histoire, de la littérature, de la mythologie des anciens Grecs et Romains, mais n’éprouve aucune honte à ne rien connaître des Celtes, alors que les deux tiers de l’Europe ont été celtiques. L’incroyable ignorance de leurs propres ancêtres par les gens cultivés trouve son excuse dans les manuels d’histoire : nos ancêtres les Gaulois étaient des barbares sauvages, et ce sont les Romains qui sont venus leur apporter les lumières de la civilisation, alors que ces conquérants n’ont atteint un haut niveau qu’en copiant leurs voisins, Etrusques, Grecs ou Celtes.

Brocéliande, légendes et mythes

Venons-en à Brocéliande, en quoi est-ce un haut-lieu pour nous autres Européens, et en quoi nous inspire-t-il ? En effet, si on parle d’histoire, concernant Brocéliande, on peut sans exagérer parler d’histoire inventée par des mythes, car les grands événements du monde ne se sont pas déroulés en forêt de Paimpont, mais plutôt du côté de ceux qu’on appelle les Gaulois. L’histoire médiévale a réinscrit cette contrée dans l’histoire européenne avec notre bonne duchesse Anne, mais c’est déjà un autre monde.

En revanche, ce qui forge aussi une âme en matière d’histoire, ce sont les légendes d’un côté et les mythes de l’autre.

Pour autant, à défaut d’histoire, c’est d’abord un haut-lieu en ceci qu’il nous relie à notre filiation celte.

La forêt de Paimpont, puisque c’est son nom administratif, fut toujours habitée par les Celtes. Celtes qui sont un rameau de la famille indo-européenne, et sont passés en Europe en étendant leurs colonies sur le vaste territoire qui deviendra la Gaule, jusqu’à l’Armorique, sylve sauvage impénétrable de l’extrême occident.

Habitée ensuite au sens noble par les druides qui, lors des grandes migrations des Ve et VIe siècles, sous la poussée des hordes anglo-saxonnes, bien que christianisés, n’ont pas rompu avec la tradition celtique druidique, et sont des anachorètes sanctifiés et révérés par le peuple. Ce sont ces druides qui fondent la principauté BroWaroch, qui donnera la Bretagne. Plus tard, au Moyen Age, le massif acquiert sa réputation de forêt légendaire et c’est au XIIe siècle que Brocéliande prend rang dans « les mythiques forêts enchantées » grâce à Chrétien de Troyes, notamment. Les légendes arthuriennes païennes réinvestissent ce lieu en pleine période médiévale chrétienne.

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Le décor est planté pour toujours

Brocéliande est un haut-lieu qui nous inspire également parce que les légendes qui y sont attachées trouvent à la fois un écho au tréfonds de notre esprit européen pour les valeurs qu’elles véhiculent et une certaine esthétique de l’âme.

Nous examinerons le sens du sacré dans la société celtique, la quête du Graal, la place de la femme, l’esprit de clan, l’organisation trifonctionnelle, la forêt.

Une société qui a le sens du sacré

La société celtique ne vit que dans et par le sacré. La classe sacerdotale est prééminente, très hiérarchisée et d’une autorité indiscutée. Les druides sont des initiés qui ont le sacré dans leurs attributions, mais il n’existe pas de différence entre le sacré et le profane : à la fois prêtres et savants, les druides cumulent les fonctions de ministres du culte, devins, conseillers politiques, juges, médecins, penseurs et universitaires. Les études pour parvenir à cet état sont ouvertes à tous, y compris les femmes, et durent 20 ans.

Dans la mythologie instinctive initiale, les Forces de la Nature sont déifiées ainsi que les rythmes cycliques, solaire, lunaire et stellaire. Ce sont les druides qui accompliront l’évolution spirituelle ultérieure.

Une société qui donne naissance à la quête du Graal

Au centre de la cour arthurienne, la Table Ronde rassemble les meilleurs chevaliers, venus du monde entier briguer l’honneur de servir. Alors commencent les expéditions, entreprises sur un signe, une requête, un récit marqué d’étrangeté. Lorsqu’il prend la route, chaque chevalier devient à lui seul l’honneur de la Table Ronde et la gloire du roi. Il forme l’essence même de la chevalerie arthurienne, affirmant la nécessité de l’errance, le dédain des communes terreurs, la solitude qui ne s’accompagne que d’un cheval et d’une épée. Il ne sait ni le chemin à suivre, ni les épreuves qui l’attendent. Une seule règle, absolue, lui dicte de « prendre les aventures comme elles arrivent, bonnes ou mauvaises ». Il ne se perd pas tant qu’il suit la droite voie, celle de l’honneur, du code de la chevalerie.

La nécessité de la Quête est partie intégrante du monde arthurien. Au hasard de sa route, le chevalier vient à bout des forces hostiles. Il fait naître l’harmonie, l’âge d’or de la paix arthurienne dans son permanent va-et-vient entre ce monde-ci et l’Autre Monde, car l’aventure où il éprouve sa valeur ne vaut que si elle croise le chemin des Merveilles. Sinon, elle n’est qu’exploit guerrier, bravoure utilitaire. Seul le monde surnaturel qui attend derrière le voile du réel l’attire, et lui seul est qualifiant.

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Les poètes recueillent la Matière de Bretagne vers le XIIe siècle. La société cultivée européenne découvre les légendes des Celtes, un univers culturel d’une étrangeté absolue. Ce roman, nourri de mythes anciens, donne naissance à des mythes nouveaux, Table ronde, Graal, Merlin, etc. Parmi les référents culturels de l’Europe en train de naître, elle s’impose en quelques dizaines d’années, du Portugal à l’Islande, de la Sicile à l’Ecosse. La légende celtique, mêlée d’influences romanes ou germaniques, constitue en effet une composante fondamentale pour l’Europe en quête d’une identité qui transcende les nécessités économiques et politiques. Mais le thème de la quête représente plus fondamentalement un itinéraire proprement spirituel, initiatique ou mystique même. Elle manifeste un besoin d’enracinement, la recherche de valeurs anciennes – prouesse, courtoisie, fidélité, largesse… -, l’aspiration à l’image idéale de ce que nous pourrions être.

Le roman arthurien n’a pas inventé la quête, mais il lui a donné une couleur et une dimension renouvelées. La quête chevaleresque n’est ni la descente aux enfers d’Orphée ou de Virgile, la fuite d’Enée ou la dérive volontaire d’Ulysse. A travers d’innombrables épreuves, dont on ne sait dans quelle réalité elles se déroulent, elle unit à un voyage qui porte ordre et lumière là où règne le chaos, un cheminement d’abord intérieur, une recherche de perfection et d’absolu.

Une société qui honore la femme

Dans les sociétés européennes anciennes, il faut toujours rappeler que la femme tient une place originale, réelle et influente en tant que muse, inspiratrice, créatrice, sans négliger sa mission de mère, d’éducatrice, et de gardienne du foyer. Dans la société celtique en particulier, les femmes jouent un rôle qui n’est ni effacé ni subalterne : libres, maitresses d’elles-mêmes et de leurs biens, entraînées au combat, elles peuvent prétendre à l’égalité avec les hommes.

Le merveilleux participant pleinement au monde, la femme en est à la fois la médiatrice et l’incarnation. Elle tient une place prépondérante dans les cycles initiatiques. Le but de la fée n’est pas de dominer l’homme, mais de le révéler, de le réveiller. Le partenaire est jaugé pour ses qualités tripartites : ni jalousie, ni crainte, ni avarice. La femme celtique n’est ni intouchable, ni adultérine. Elle reste souveraine. Et force est de constater que la souveraineté celtique vient et tient des femmes.

La Dame est triple : visionnaire, reine et productrice. Son sacerdoce n’est pas limité à la prophétie et à la médecine.

Le mystère qui entoure les cultes féminins témoigne plus d’un secret initiatique que d’une absence. Rappelons enfin qu’Epona, déesse des cavaliers et de la prospérité, est la seule divinité celtique que les Romains incluront à leur calendrier.

Une société qui pratique l’esprit de clan

L’unité sociale des Celtes n’est ni la nation, cette invention de la Révolution, ni la famille comme dans le monde antique. C’est la tribu ou le clan. Dans ce cadre s’épanouit la personnalité, qui est donc collective et non pas individuelle. Le Celte pense « nous » plus que « je ». Et le « nous » est restrictif. Chez les Celtes, leur respect inconditionnel de la coutume est le contrepoids de leurs foucades anarchiques, leur unité culturelle et leurs rassemblements cycliques, le remède à leur dispersion sur le terrain.

Que la forme de vie celtique, essentiellement spirituelle et pratique, ait disparu avec les premières ambitions de « faire nombre » montre combien la celticité est peu compatible avec la modernité. Elle est d’un temps où la notion moderne de sujet n’existait pas, pas plus que la ville avec ses populations hétérogènes, et où la fusion de tout individu avec une réalité spirituelle englobante avait encore une signification pratique et intellectuelle, autant que sociale.

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Une société qui repose sur le modèle trifonctionnel indo-européen

Cette tripartition possède chez les Celtes des traits originaux. Le druide qui est à la fois prêtre, juriste, historien, poète, devin, médecin, représente la première fonction. Le roi, de deuxième fonction, ne peut régner sans les conseils d’un druide qui le guide dans toutes ses actions, même dans la guerre. Le druide ne peut ni ne doit exercer le pouvoir lui-même. Le roi est élu par les hommes libres des tribus, parmi ceux que les druides choisissent ou suscitent. Le druide préside à la cérémonie religieuse qui doit ratifier cette élection. Le druide et le roi ont donc deux obligations fondamentales et conjointes : le druide doit dire la vérité, et le roi doit dispenser les richesses.

Une société qui vit en harmonie avec la nature, dont la forêt est l’archétype

Brocéliande, c’est avant tout une Forêt avec tout ce que ce mot emporte de symboles et de sens.

« D’autres peuples ont élevé à leurs dieux des temples et leurs mythologies mêmes sont des temples. C’est dans la solitude sauvage du Nemeton, du bois sacré, que la tribu celtique rencontre ses dieux, et son monde mythique est une forêt sacrée, sans routes et sans limites. » En Brocéliande, « pays de l’Autre Monde », nous sommes dans l’Argoat, le pays du bois. A Brocéliande, on vient en pèlerinage, pas en balade ; on n’y pénètre pas, c’est la forêt qui entre en nous.

Pour vous aider à plonger dans cette atmosphère singulière, un poème d’Hervé Glot :

« Echine de roc / émergeant du couvert / au-dessus du val des ombres / labyrinthique chemin noir vers la source des orages, Brocéliande n’existe pas / sans un aveuglement spirituel / une mise en état de l’âme. »

Et pour Gilbert Durand : « La forêt est centre d’intimité comme peut l’être la maison, la grotte ou la cathédrale. Le paysage clos de la sylve est constitutif du lieu sacré. Tout lieu sacré commence par le ‘bois sacré’ ».

C’est pourquoi l’atmosphère particulière qui règne sur cette forêt druidique convient au personnage de Merlin. Peu importe l’authenticité de celui-ci, l’essentiel est qu’il soit l’âme traditionnelle celtique. Merlin, à l’image du druide primitif, est à la charnière de deux mondes. Il joue le rôle d’un druide auprès du roi Arthur qu’il conseille. Il envoie les compagnons de la Table Ronde à la quête du mystérieux Saint Graal. Il pratique la divination ; il a pour compagnon un prêtre, l’ermite Blaise, dont le nom se réfère au breton Bleizh qui signifie loup. Or Merlin commande aux animaux sauvages, et est accompagné d’un loup gris. Dans la légende de Merlin, ce qui importe c’est un retour à un ille tempus des origines, à l’âge d’or.

Deux étapes à Brocéliande…

Pénétrons dans la forêt pour deux étapes.

La Fontaine de Barenton d’abord. C’est une fontaine « qui bout bien qu’elle soit plus froide que le marbre », une fontaine qui fait pleuvoir, et qui guérit de la folie. Elle se trouve aux lisières de la forêt, dans une clairière où règne un étonnant silence. Endroit protégé, donc, en dehors du monde, de l’espace et du temps. Et le nom de Barenton incite à la réflexion, abréviation de Belenos, qualificatif donné à une divinité lumineuse telle que Lug, le Multiple-Artisan.

Cette clairière est un Nemeton, un sanctuaire non bâti, isolé au milieu des forêts, endroit symbolique où s’opèrent les subtiles fusions entre le Ciel et la Terre, entre la Lumière et l’Ombre, entre le Masculin et le Féminin. Dans le mot Nemeton, il y a nemed qui veut dire « sacré ». Et donc il est normal que Merlin hante cette clairière, lui qui est au milieu, sous l’arbre qu’on appelle Axis Mundi, et c’est de là qu’il répercute le message qu’il reçoit de Dieu et dont il est le dépositaire sacerdotal.

Le persifleur qu’il représente est la mauvaise conscience d’une société occidentale, comme l’était Diogène le Cynique chez les Athéniens, chargé de provoquer son seigneur en le mettant en face de ses faiblesses.

Une étape s’impose aussi à l’église de Tréhorenteuc, qui par la grâce de l’Abbé Gillard a donné un sanctuaire bâti à la Nemeton celtique : en effet, Jésus y côtoie Merlin et il y est rendu un vibrant hommage au cycle arthurien. Sur le mur de l’église, est gravé « la porte est en dedans », c’est-à-dire en nous. Il faut donc franchir cette porte avant que d’aller en forêt.

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En conclusion

Il s’agissait donc d’évoquer un lieu en rapport avec l’univers esthétique et mental qui est propre aux Européens, où souffle l’esprit, un lieu porteur de sens et de valeurs qui nous sont proches. Brocéliande et le monde celte remplissaient cet office.

Cette intervention veut aussi être un hommage à tous ceux des nôtres qui ont si bien su appréhender la poésie, la magie, l’essence du monde de la forêt, attentifs à cet infinitésimal qui renvoie à l’ordre cosmique. Difficile pour nous, hommes des villes entourés de verre et d’acier, où l’on porte le masque et perd le sens du sacré.

Pour terminer, dans cette enceinte où les acteurs anciens et modernes du monde celte sont évoqués, non seulement pour l’esthétique, mais pour leur rôle dans la formation et l’approfondissement de notre âme européenne, je citerai Bruno de Cessole, évoquant la façon dont Dominique Venner a choisi de partir, et le replaçant à sa manière dans le Panthéon celtique :

« En des temps de basses eaux comme les nôtres, où les valeurs d’héroïsme et de sacrifice sont tenues pour de vieilles idoles dévaluées, voilà qui est incompréhensible aux yeux des petits hommes anesthésiés de cette époque, qui ne sauraient admettre qu’un intellectuel choisisse de se tuer pour prouver que la plus haute liberté consiste à ne pas être esclave de la vie, et inciter ses contemporains à renouer avec le destin ».

Une fois de plus, le Roi Arthur revient. Non pas la figure royale, mais l’univers de liberté et d’imaginaire qu’il convoie. A qui s’interroge sur ces postérités tenaces et ces résurrections insistantes, on peut trouver des raisons diverses et multiples mais la principale, c’est que c’est la plus belle histoire du monde et qu’il suffit de revenir aux récits, à ces mots qui voyagent vers nous depuis plus de huit siècles pour comprendre, comme le souligne Hervé Glot, que les enchantements de Bretagne ne sont pas près de prendre fin. Si avec le mythe de l’éternel retour, le monde médiéval chrétien a connu la résurgence du mythe celte, nul doute qu’à Brocéliande, tôt ou tard, le Roi Arthur reviendra, et pour toujours !

Marie Monvoisin

 Source

samedi, 02 mai 2015

Sept films à voir ou à revoir sur la Société irlandaise

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Sept films à voir ou à revoir sur la Société irlandaise

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Un pub bondé... Au comptoir, des hommes et des femmes de toute condition sociale communient autour d'un curieux breuvage aussi noir qu'épais. Les pintes de stout se remplissent aussi lentement que les gosiers la lampent. La Guinness se mérite. Toutes les discussions s'entremêlent. On y parle de tout sauf du temps qu'il fait car il y pleut toujours ! Le Celtic Glasgow a perdu le derby contre l'ennemi juré des Rangers. Et le XV de la Poblacht na hÉireann a cédé à Lansdowne Road contre Galles. Sale week-end ! Temps de merde ! Le tapotement d'un bodhràn bientôt accompagné d'une guitare recueille l'attention d'un petit groupe de quinquagénaires qui tente de reprendre tant bien que mal The Fields of Athenry. Les femmes assises à leur côté soufflent, d'autant plus que l'un des compères n'a pas manqué de remarquer la démarche mal assurée d'une petite jeune femme rousse, certes un peu empotée, mais dont la jupe qu'elle arbore fièrement s'appellerait une ceinture dans n'importe quel autre pays... Assurément !, se disent les femmes, ils ont déjà trop bu... Cette scène vous remémore quelque souvenir ? Alors vous êtes déjà allé en Irlande ! La société irlandaise est aussi contrastée que ce fichu temps qui passe par toutes les couleurs en moins de temps qu'il n'en faut pour enfiler son anorak. La résumer en sept films relève d'une gageure impossible. Alors, autant éviter les clichés mentionnés ci-dessus et découvrir un tout petit peu cette drôle de petite île. Juste comme ça. L'Eire de rien...

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GENS DE DUBLIN

Titre original : The Dead

Film américain de John Huston (1987)

Dublin, 6 janvier 1904. Comme chaque année, les sœurs Kate et Julia Morkan réunissent leurs plus proches amis pour fêter l'Epiphanie. La soirée joyeuse et bien arrosée est rythmée au gré des poèmes, chants et danses gaëliques. Les langues se délient pour évoquer les chers disparus, familiers ou inconnus. La soirée tire progressivement à sa fin. Molly Ivors, nationaliste ardente, quitte la réception la première pour se rendre à un meeting. Une dernière complainte émeut Greta, l'une des convives. De retour à l'hôtel, Greta révèle à son époux, Gabriel, l'histoire d'un jeune homme éperdument épris d'elle dont l'amour a conduit le prétendant à la mort. Le jeune homme aimait fredonner cette même complainte. Gabriel est anéanti par la nouvelle...

Remarquable adaptation de la dernière nouvelle du roman Dubliners de James Joyce et dernier film tourné par Huston peu de temps avant sa mort. La mort justement, et le temps qui s'écoule irrémédiablement, sont les thèmes principaux affleurant tout au long de ce huis-clos bouleversant et remarquablement interprété par des acteurs, tous issus de la diaspora irlandaise. Une adaptation remarquable. A voir absolument !

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LE LIBRAIRE DE BELFAST

Titre original : The Bookseller of Belfast

Film documentaire irlandais d'Alessandra Celesia (2011)

Fumeur invétéré et toujours accompagné de ses grosses lunettes cerclées magnifiant son air débonnaire, John Clancy, surnommé John "Belfast" ou John "Books", exportait auparavant les œuvres de William Butler Yeats jusqu'en Californie. Mais la petite bouquinerie de John, une petite maison de briques rouges, à l'intérieur de laquelle se pressent quatre mille livres invendus, doit fermer pour cause d'explosion, non celle d'une énième bombe loyaliste ou catholique, mais à cause de l'explosion des loyers. Comment maintenir son petit sanctuaire, lui qui a toujours plus offert de livres qu'il n'en a vendus, dans un Belfast en pleine mutation, submergé par la crise et tentant de panser les plaies de six décennies d'affrontements communautaires ? Pour ce brave John, il s'agit désormais de retrouver un chemin...

Mélancolique et émouvant portrait d'un petit bouquiniste que la spéculation arrache à son paradis. Celesia dresse magnifiquement son portrait empreint de la mémoire identitaire de la capitale nord-irlandaise. Autour de John, trois jeunes ordinaires et peu paumés, issus de la nouvelle génération d'une ville qui se réveille avec la gueule de bois : Robert, un punk dyslexique passionné d'opéra et par l'Empire romain, son frère Connor, un rappeur couvert de multiples cicatrices et Jolene, jeune chanteuse écumant les télé-crochets. Au milieu des alertes à la bombe, un remarquable tableau d'une ville qui se projette vers l'avenir. Qui n'est jamais allé en Ulster ne connaît pas l'Irlande...

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THE MAGDALENE SISTERS

Film irlandais de Peter Mullan (2002)

Comté de Dublin en 1964. Elles sont trois adolescentes et ne se connaissent pas. Margaret est violée par son cousin lors d'un mariage. La jolie Bernadette, orpheline, est estimée trop provocante avec les garçons. Rose est une fille-mère qui a dû abandonner son enfant à une famille catholique. Les trois adolescentes sont placées dans le couvent des sœurs de Marie-Madeleine pour avoir déshonoré leurs parents. Les jeunes filles vont bientôt se confronter aux dures lois qui régissent la vie du couvent et devoir expier leur comportement immoral par le travail et la prière. Sous les ordres de la sœur Bridget, elles vont laver le linge de l'Eglise et de la haute société irlandaises, subissant les pires humiliations et mauvais traitements...

Terrifiant portrait de l'un des traits majeurs de la société irlandaise, son rigorisme moral. Ce film romancé est inspiré d'un documentaire télévisé qui dénonça les horreurs des couvents Magdalene qui ne fermèrent leurs portes qu'en... 1996 ! Symboles du Pêché originel d'Eve croquant la pomme, des générations de jeunes filles irlandaises ont été maintenues sous le régime de terreur d'une autorité parentale toute-puissante lorsque celle-ci estimait son honneur bafoué. Aussi, la victime d'un viol en devenait-elle coupable et la beauté était-elle assimilée à un trait diabolique. Mullan livre ici réalisation oppressante et glaçante que d'aucuns jugeront parfois outrancière.

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PAVEE LACKEEN, LA FILLE DU VOYAGE

Titre original : Pavee Lackeen, the traveller girl

Film irlandais de Perry Ogden (2005)

Winnie est une adolescente issue de la communauté gitane irlandaise et partage sa vie, entourée de ses neuf frères et sœurs, dans une caravane de la zone industrielle de Dublin. Exclue une semaine de l'école après une bagarre, Pavee erre en ville et se rêve en jeune mariée devant une vitrine de robes, avant de s'approprier les pièces d'une fontaine pour jouer aux jeux vidéos et cambriole enfin un container de la Croix Rouge  pour y voler nombre de vêtements. Pendant ce temps, sa mère multiplie les interventions face à l'administration pour régulariser leur situation. La caravane est menacée d'expulsion...

Les films sur la communauté des gens du voyage ne sont pas légions. Pavee Lackeen connut une sortie fantomatique en France, dépassant péniblement les 10.000 entrées. 45 à 50.0000 gitans vivent en Irlande à l'écart de la société, locuteurs d'un langage dont aucune racine ne provient d'un rameau identifié. Avec une certaine complaisance à l'égard de cette communauté mais sans faire abstraction de ses nombreux passages outre la loi, Perry Ogden invite le spectateur à s'immerger au sein des mystères des communautés gitanes. Si le film avait été français, il s'en serait trouvés facilement pour dénoncer certains traits stigmatisants. Un film qui peut tenter les plus curieux.

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PHILOMENA

Film américano-anglo-français de Stephen Frears (2013)

1952, Philomena Lee n'est encore qu'une adolescente lorsqu'elle tombe enceinte. Reniée par sa famille, Philomena est enfermée au couvent de Roscrea. Travaillant à la blanchisserie, elle est autorisée à voir son fils une heure par jour avant qu'il ne lui soit définitivement enlevé à l'âge de trois ans et confié à une famille américaine. Cinquante années ont passé. Philomena est sortie de l'institution dans laquelle elle était enfermée. Une seule ambition guide sa vie : retrouver son fils. Philomena rencontre par hasard Martin Sixsmith, journaliste récemment licencié, à qui elle se confie. Le journaliste persuade Philomena de l'accompagner outre-Atlantique et de partir à la recherche d'Anthony. Le journaliste retrouve la trace du fils très rapidement mais néanmoins trop tard...

Si le synopsis peut apparaître proche de celui de The Magdalene Sisters, la présente réalisation insiste moins sur le quotidien de l'enfermement que sur la quête d'une mère à la recherche de son enfant enlevé. Le ton est également très différent et Frears n'hésite pas à traiter le sujet sous l'angle de la comédie. C'est bien sur le tandem de l'union naissante entre une mère éplorée mais pleine de dignité et un journaliste désabusé qui porte presque l'âge du fils disparu que s'appuie l'intrigue.

 

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THE SNAPPER

Film anglais de Stephen Frears (1993)

A Dublin au début des années 1990, Sharon Curley, vingt ans, mène une existence heureuse dans sa famille ouvrière en compagnie de ses cinq frères et sœurs. Enceinte et non-mariée, Sharon refuse de dévoiler l'identité du géniteur. Un marin espagnol de passage assure-t-elle. La famille s'accommode finalement assez bien que leur fille ait fait un bébé toute seule jusqu'à ce que la rumeur du quartier attribue la paternité à George Burgess, un quinquagénaire, marié et père de l'une des meilleures amies de Sharon. La future mère peine à démentir et se remémore une certaine fin de soirée trop arrosée terminée sur le capot d'une voiture. Moquée dans le quartier et au pub, Sharon est contrainte de laisser son père, Dessie, et les hommes de la famille défendre son honneur à coups de poings...

Un snapper est un mot argotique traduisible par mioche. Non, The Snapper n'est pas un film dramatique ; Frears n'étant pas un représentant du film noir. Au contraire, le réalisateur dresse le portrait attachant de l'insouciante Sharon dans une société irlandaise dans laquelle la prohibition de la contraception et le conservatisme moral règnent en maître et où le pub fait office de parlement du peuple qui fait et défait les rois. Un film tonique aux dialogues savoureux et souvent très drôles. A voir !

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THE VAN

Film anglo-irlandais de Stephen Frears (1996)

Si le football n'est pas le sport favori en République d'Irlande, les Irlandais entendent bien ne manquer aucun match de leur sélection nationale qualifiée pour la Coupe du Monde 1990. Au pire, c'est toujours une excellente occasion trouvée de boire ! Et ça, Bimbo Reeves le sait. Boulanger dublinois récemment licencié, Bimbo rejoint chaque soir ses copains dans un pub de Barrytown, dans la banlieue nord de Dublin. Contrairement à ses amis, tous chômeurs de longue durée, il est inconcevable pour Bimbo de ne pas retrouver un travail au plus vite. Lui vient alors une idée folle. Acquérir, grâce à ses indemnités, une camionnette pour vendre des fish and chips. Aidé de son plus vieil ami, Bimbo découvre le véhicule idéal, certes quelque peu crasseux et sans moteur. La compétition de football fait engranger à la sandwicherie ambulante des chiffres inespérés mais la réussite économique menace leur amitié...

Des acteurs épatants, passant du rire aux larmes, pour une véritable réussite ! On objectera peut être que les personnages de la filmographie de Frears sont parfois un peu trop copiés-collés d'un film à l'autre mais qu'importe. La scène de la retransmission du match de l'Eire au pub est remarquable. De même que celles de beuverie. Une ambiance que ravira tous les fans de football et de bière qui bien souvent sont les mêmes.

Virgile / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source

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samedi, 21 mars 2015

Keltischer Patriotismus

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Keltischer Patriotismus

von Niels Krautz

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Die Schotten sorgten 2014 mit einer Unabhängigkeitsabstimmung für weltweites Aufsehen. Doch auch in Wales, der Bretagne und sogar im kleinen Cornwall gibt es freiheitsliebende Kelten.

Die im vergangenen Jahr angefachte Diskussion und die folgende Abstimmung über Schottlands Unabhängigkeit zeigen: Eine langfristige Spaltung des Vereinigten Königreiches Großbritannien ist unausweichlich.

Denn viele Menschen in den von England okkupierten Ländern sehnen sich nach mehr Freiheit und vollständiger Souveränität. Sie fürchten sich davor, ihre Identität und ihre Bräuche zu verlieren. Und sie erkennen, dass ihr Land regelrecht ausgeblutet wird. Das geschieht durch eine Politikerkaste, die weit entfernt im britischen Parlament in London Westminster sitzt.

1000 Jahre in Unfreiheit

Seit dem Jahr 1066, als französische Normannen die britischen Inseln eroberten, befinden sich die Völker der Iren, Waliser, Schotten sowie andere keltische Stämme in Unfreiheit. Wales, das seit dem Jahre 1284 und dem damaligen Statut von Rhuddlan unter englischer Herrschaft steht, wurde zwangsweise mit dem „Act of Union“ 1536 an das englische Königreich angegliedert. Schottland folgte mit dem Act of Union 1707 und Irland im Jahre 1800. Nur Irland konnte bisher seine Souveränität vom Vereinigten Königreich Anfang des 20. Jahrhunderts halbwegs zurückgewinnen. Doch es wurde geteilt: Die sechs Grafschaften der nordirischen Provinz Ulster verblieben in englischer Hand.

Aufgrund unterschiedlichster Probleme und des wachsenden Nationalstolzes haben sich in den betroffenen Ländern patriotische Parteien und Gruppierungen gebildet. Sie wollen die vollständige Unabhängigkeit erlangen. In Schottland, dem „William-​Wallace-​Land“, rief die Scottish National Party (SNP) im letzten Jahr zu einem Referendum auf, das über den Verbleib Schottlands im Vereinigten Königreich entscheiden sollte. Damit scheiterte sie nur knapp, rund 45 Prozent stimmten für die Unabhängigkeit. Die „Plaid Cymru“, die „Walisische Partei“, fordert schon seit vielen Jahren die Unabhängigkeit ihres Heimatlandes von England. Eine Umfrage von 2007 aus Nordwales zeigte, dass etwa 50 Prozent der dortigen Bevölkerung für die Unabhängigkeit sind. Seit dem schottischen Referendum ist die Tendenz steigend.

Jeder fünfte Bretone für Unabhängigkeit

bret710123021.jpgRepublikanische Parteien Irlands, wie etwa die „Sinn Fein“, können auf eine lange Geschichte des Kampfes um Unabhängigkeit zurückblicken. Seit dem Jahr 1905 tritt sie als Partei auf und fordert die vollständige, ungeteilte Souveränität ihres irischen Heimatlandes. Ins Deutsche übersetzt bedeutet „Sinn Fein“ nichts anderes als „Wir selbst“. Und selbst im kleinen Cornwall, im äußersten Südwesten Britanniens, verlangt man nunmehr „Devolution“ – also die Übertragung zusätzlicher Macht. Lord Alwyn aus Cornwall fand dazu einst passende Worte im britischen Oberhaus: „Nicht bloß in Wales – auch in Cornwall wächst das Bewußtsein, wie vernachlässigt das Land von London wird. Auch in Cornwall leben Kelten, und keine Engländer.“

Doch dieser neu entflammte keltische Patriotismus ist nicht nur ein britisches Phänomen. Auch in Westfrankreich lodert das Feuer der Unabhängigkeit. Fast jeder fünfte Bretone sprach sich 2013 in einer repräsentativen Umfrage für die vollständige Unabhängigkeit von Frankreich aus. Am Ostersamstag 2014 demonstrierten in Nantes bis zu 15.000 Bretonen für die Unabhängigkeit.

Die wohl bekannteste aller Unabhängigkeitsbewegungen in Großbritannien bleibt die „Irish Republican Army“ (IRA). Es handelt sich dabei um eine paramilitärische Einheit, die den Anschluss Nordirlands an die Irische Republik mit Waffengewalt erzwingen wollte. Sie ging 1919 aus den „Irish Volunteers“ hervor, die den Osteraufstand 1916 auslösten. Die IRA unterstand der damals ausgerufenen Republik Irland als legitime irisch-​republikanische Armee. Von da an führte sie den irischen Unabhängigkeitskrieg gegen die englische Herrschaft.

Irische Unterstützung aus Amerika

Bekannt wurde sie durch die sogenannte „Border Campaign“ von 1956 bis ’62, eine Anschlagsserie, die sich an der Grenze zwischen Nordirland und der Republik Irland abspielte. Die IRA erhielt seit ihrer Gründung finanzielle und materielle Unterstützung von in Amerika lebenden Iren, den sogenannten „Feniern“. Der Begriff kommt vom irischen „Fianna“, einem sagenumwobenen Heerhaufen des mythischen keltischen Heerführers Fiann Mac Cumhaill. Die modernen Fenier gründeten sich als Untergrundorganisation in Amerika 1859. Sie erlangten Aufmerksamkeit, als sie englische Forts in Kanada angriffen um die dortigen Truppen zu binden und damit den bewaffneten Widerstand in Irland zu unterstützen.

Auch heute noch existiert die IRA. Doch in den letzten Jahrzehnten des 20. Jahrhunderts gab es etliche Spaltungen und Zerwürfnisse der verschiedenen republikanischen Gruppierungen. 2012 erfolgte ein erneuter Zusammenschluss: Diese neue Army hat schätzungsweise über 600 Mann unter Waffen und zählt als terroristische Vereinigung.

Englands protestantischer Kampf

In den Geschichtsbüchern wird bis heute von einem Bürgerkrieg gesprochen, der zwischen irischen Katholiken und Protestanten stattfand. Doch das ist falsch. Es gibt keinen Bürgerkrieg zwischen den Iren, es gibt einen Befreiungskrieg Irlands gegen die englische Besatzung. Denn England hat seit der Besetzung Irlands die irische Bevölkerung mit Waffengewalt und gesellschaftlichen Repressalien unterdrückt. Der Großteil aller Kämpfe rund um den Nordirlandkonflikt waren Straßenschlachten der IRA gegen die englischen Besatzer oder von England provozierte ethno-​kulturelle Konflikte. Denn seit 1600 siedelte England ausschließlich walisische, schottische und englische Menschen im Nordosten Irlands an, um gegen die Iren eine protestantische Hausmacht zu bilden.

plaidcymru.jpgAuch in Wales gab es kleinere Gruppen nationalistischer Separatisten. Zum einen existierte die „Free Wales Army“, die aus nur 20 Mann bestand. Zum anderen gab es die „Mudiad Amddiffyn Cymru“, die „Bewegung zur Verteidigung Wales“. Sie erlange 1969 Aufmerksamkeit, als sie im Vorfeld der Investitur von Prinz Charles an verschiedenen Orten in Wales Bomben explodieren ließen. In der Bretagne existiert ebenfalls eine Unabhängigkeitsfront mit Namen „Bretonische Revolutionäre Armee“. Sie verübte zwischen den Jahren 1993 und 2000 17 Anschläge, unter anderem 1978 auf das Schloss Versailles. Als politischer Arm wird die linksnationalistische, bretonische Partei „Emgann“ angesehen.

Nationalismus von Links

Was lehrt uns dieser Unabhängigkeitskampf? Die politische Richtung ist nicht ausschlaggebend dafür, ob man seine Heimat, seine Kultur und sein Erbe liebt. Denn Parteien wie die SNP und die walisische Plaid Cymru sind eher im linksliberalen Lager beheimatet. Sie wollen sich, sofern die Unabhängigkeit gelingt, dem nächsten System unterordnen – der Europäischen Union. Die bretonische Unabhängigkeitsbewegung Emgann wird von ihren Mitgliedern als kommunistisch bezeichnet. Auch die irische Sinn Fein gilt als sozialdemokratisch, doch sie hat eine kritische Haltung gegenüber der EU. Selbst die IRA hatte sich in den späten 1960er Jahren zum Teil dem Marxismus zugewandt.

Nationalstolz muss also nicht nur von rechts kommen: Gerade der sogenannte Linksnationalismus hat in den keltischen Ländern, die überwiegend landwirtschaftlich und industriell geprägt sind, einen hohen Stellenwert. Wir dürfen gespannt sein, ob der Geist des schottischen Freiheitskämpfers William Wallace weiterhin über die britischen Inseln weht – und den Funken der Unabhängigkeit in den Herzen weiter brennen lässt.

lundi, 08 décembre 2014

Four hours of Irish Rebel Music

Four hours of Irish Rebel Music

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1. Loughgall Martyrs - Charlie and the Bhoys 0:00:00
2. The Ballad of Burns and Moley - Joe Mc 0:04:26
3. Song for Marcella - Brendan 'Bik' McFarlane and IRA POW's in the H-Blocks
4. Volunteer Brendan Watters - Justice (Damien Quinn)
5. Sean South - Rebel Voice
6. Willie and Danny - Athenrye
7. Give Ireland back to the Irish - Charlie and the Bhoys
8. Aug Weidersehen to Crossmaglen and Tiocfaidh ár lá - Shan Nos
9. Sad Song for Susan - Brendan 'Bik' McFarlane
10. Free the People - Athenrye
11. Black Watch - Spirit of Freedom
12. Let the People sing and take it down from the Mast Irish Traitors - Shan Nos
13. Jackets Green - Shebeen and Friends
14. The Two Brendans - Shan Nos
15. Raymond McCreesh - Padraig Mór
16. Dominic McGlinchey - Claymore
17. Ireland Unfree - Justice (Damien Quinn)
18. Irish Citizen Army - Ray Collins
19. The Legend - Damien Quinn
20. Séan South - Shan Nos
21. Women of Ireland - Pangur Ban
22. Kinky Boots - The Irish Brigade
23. Sunday Bloody Sunday - Charlie and the Bhoys
24. Edentubber Martyrs - Aine Woods
25. Ambush at Clonoe - The Irish Brigade
26. The Ballad of Seamus Harvey and Gerard McGlynn - The Irish Brigade
27. Tony McBride - The Irish Brigade
28. Kevin Lynch - The Irish Brigade
29. Eamonn Wright
30. Reverend Willie McCrea - Summerfly
31. Snipers Promise - Claymore
32. Lullaby to Heaven - Clan Carney
33. The Ballad of Fergal Caraher - Damien Quinn (Justice)
34. Seamus Harvey - Johnny Donegan
35. Joseph McManus - Spirit of Freedom
36. Brendan Hughes (Warrior from West Belfast) - The Irish Brigade
37. Martin McCaughey and Dessie Grew - Spirit of Freedom
38. George and Pop - Erin Go Bragh (formerly The Players Brigade)
39. Viva la Quinta Brigada - Charlie and the Bhoys
40. The Man from the Daily Mail - Spirit of Freedom
41. South Armagh Sniper - Joe Mc
42. Eugene Martin - Joe Mc
43. Peter Cleary - Joe Mc
44. The Mull of Kintyre - Finin
45. Fenians of the Rock - The Irish Brigade
46. The Downing Street Mortar - The Irish Brigade
47. I'd love to shove her - The Irish Brigade
48. The Supergrass Song - The Irish Brigade
49. Disband the RUC - Shebeen
50. Ordinary Sunday - Athenrye
51. Crossmaglen - Athenrye
52. The Hills around Dunloy - The Irish Brigade
53. The Ballad of Seamus McIlwainne - The Irish Brigade
54. The Lonesome Boatmen - The Irish Brigade
55. Pearse Jordan - Gary Óg
56. The Ballad of Seamus Woods - Gerry Cunningham
57. The Ballad of Eddie and Paddy - Michael Kelly
58. Brixton Busters - The Irish Brigade
59. A Rebel Song - Spirit of Freedom
60. The Ballad of Mairéad Farrell - Rachel Fitzgerald
61. The youngest of the them all - Michael Meehan
62. The Smuggler - Pangur Ban
63. This Land, God Save Ireland and A Nation once Again - Justice

vendredi, 05 décembre 2014

Three Hours of Irish Rebel Music

Three Hours of Irish Rebel Music

Song and Artist names in the description below
Nearly 50 Well Known Irish Rebel Songs from Past to Present

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Song List
Name and then Artist

1. Terrorist or Dreamer - Brendan 'Bik' McFarlane (Former IRA Prisoner) 0:00
2. Farewell to Bellaghy - Gary Óg (Lead Vocalist of the band Eire Óg - Young Ireland) 6:53
3. Bring them home - Charlie and the Bhoys 10:37
4. Only Our Rivers Run Free - Gary Óg 14:05
5. Death before revenge - The Players Brigade now called Erin Go Bragh
6. Drumnakilly Ambush - The Irish Brigade
7. Sean South of Garryowen - Charlie and the bhoys
8. One Shot Paddy - Justice
9. Crossmaglen - Shan Nos
10. God Save Ireland - Charlie and the Bhoys
11. Armagh Sniper - Athenrye
12. Finnegans Wake - Celtic Connection
13. The two Brendans - The Players Brigade
14. Loughgall Ambush Martyrs - The Irish Brigade
15. Go on home British Soldiers - Eire Óg
16. My old mans a Provo - The Irish Brigade
17. SAM Song (ooh ahh up the ra) - Eire Óg
18. James Connolly - Charlie and the Bhoys
19. Those Protestant men - The Wolfe Tones
20. This land is your land - Charlie and the Bhoys
21. The Ballad of Billy Reid - Fighting Men of Crossmaglen
22. Come out you Black n'Tans - Charlie and the Bhoys
23. The Men behind the wire - The Wolfe Tones
24. Michael Collins - The Wolfe Tones
25. Green white and gold - The Irish Brigade
26 & 27. My Little Armalite, Broad Black Brimmer, Merry Ploughboy and The helicopter song - The Irish Brigade
28. Roll of honour - The Players Brigade
29. The Rifles of the IRA - Fighting Men of Crossmaglen
30. Broad Black Brimmer - The Wolfe Tones
31. Wearing of the green - The Wolfe Tones
32. The Informer - Padraig Mór
33. The Patriot game - Kathleen Largey
34. The town I loved so well - Kathleen Largey
35. Broad Black Brimmer and Dirty old town - The Players Brigade
36. The Foggy Dew - The Wolfe Tones
37. Stuff your Decommission - Spirit of Freedom
38. The Belfast Brigade - Fighting men of Crossmaglen
39. Old Clonoe - Shee-Vawn
40. Take it down from the mast and free our lads in Crumlin Gaol (Jail) - Athenrye
41. My Youngest Son came home today (Irish Republican Funeral Song) - Mary Black
42. Roisin Dubh (Black Rose - Irish Republican Funeral Song)
43. A Nation once again - The Wolfe Tones
44. Hughes lives on - The Irish Brigade
45. The boys from county Cork - The Irish Brigade
46. The Boys of the Old Brigade - The Wolfe Tones

mardi, 01 octobre 2013

L’âme d’une nation coule dans nos veines

L’âme d’une nation coule dans nos veines

Ex: http://zentropaville.tumblr.com

L’idée de nation suscite encore aujourd’hui chez certains des réactions, des passions parfois vives, voire violentes. Les uns voient en elle renaître le culte de la race, du sang. Les autres, le simple et seul principe d’une nouvelle loyauté politique. Il n’est pas dans mon intention de disserter une fois de plus sur la définition de la nation, ni de reposer la traditionnelle question « Qu’est-ce qu’une nation ? ».

La Bretagne, vieille nation européenne, a répondu depuis bien longtemps à cette question. L’âme de la nation bretonne, c’est d’abord son passé. Il n’est pas vrai que les peuples heureux n’ont pas d’histoire, parce que s’ils n’en avaient pas, ils ne seraient pas des peuples. Après 10 siècles de souveraineté nationale, la Bretagne est à ce jour sous occupation étrangère. Région bâtarde, simple province française… mais toujours nation, nation sans Etat certes, mais nation déterminée à recouvrer son indépendance. Le peuple breton a-t-il conservé une conscience nationale à l’instar de son frère écossais ? Sans aucun doute. Les Bretons ont-ils, aujourd’hui, un sentiment national ? Oui et de récents sondages le démontrent. Si la politique d’assimilation de la France a, certes, fait d’énormes dégâts, elle a échoué malgré sa politique génocidaire et ethnocidaire. Les Bretons sont fiers de leur identité spécifique et le revendiquent de plus en plus. Parmi les facteurs les plus déterminants dans l’esprit national, il y a le souvenir des choses faites en commun, le souvenir des épreuves traversées qui cimentent. Une nation comme la Bretagne commence à exister lorsque que naît une fierté, un orgueil national. Elle n’existe en fait que s’il y a des femmes et des hommes qui se réclament d’elle et qui entendent se définir comme Bretons. Aujourd’hui, on honore des Bretons morts pour la patrie. Ce que l’on honore en eux c’est qu’ils aient prouvé que quelque chose valait plus qu’eux et que leur vie, à savoir la patrie. Suprême sacrifice. Valeur suprême de ce à quoi on se sacrifie.

La nation bretonne est plus que le produit d’un contrat. Elle n’existe que par la foi qu’on lui voue. Elle n’est pas non plus une unité fermée, mais ouverte. Mais sous condition de pouvoir assimiler ceux à qui elle ouvre les bras. Aujourd’hui les nations modernes réunissent tous les vices. Elles s’ouvrent à n’importe qui et n’importe comment au mépris même de leurs âmes, de leurs identités. Une nation est un organisme vivant mais elle peut mourir. Mourir de mort physique mais également de mort spirituelle. Une nation qui perd son âme, à qui l’on vole son âme ou qui se laisse arracher son âme, cette nation est une nation condamnée. Les sociétés actuelles en Europe sont toutes orientées de manière prédominante vers le confort matériel. Leur hédonisme congénital est le plus sûr poison de l’idée nationale. Il nous faut également combattre les idéologies du déracinement qui visent les attaches territoriales d’un peuple, mais aussi ses attaches culturelles et spirituelles. Il est révélateur que tout système totalitaire ou colonial, cherche à détruire l’identité d’un peuple en s’attaquant en priorité à sa culture. C’est en niant la spécificité d’un peuple que cherche à s’imposer toute pensée homogénéisante. La culture est la carte d’identité d’un peuple. C’est son passeport et contrairement aux pleurnicheries et autres niaiseries régionalistes, nous ne dissocions pas le combat culturel du combat politique. La Bretagne est un être intrinsèquement politique et culturel. Le politique renvoie au culturel et le culturel renvoie au politique. Privé de dimension politique, le culturel devient folklore.

Notre combat pour la liberté du peuple breton et l’indépendance de la Bretagne, doit s’inscrire dans le cadre de l’Europe des peuples et prendre en compte que l’Europe actuelle est aspirée dans l’idéologie du bonheur individuel et la religion des droits de l’homme qui tend à s’octroyer tout l’espace du champ moral et préparer les esprits à l’uniformité. Vaste programme nihiliste, philosophie du bonheur massifié que nous entendons combattre.

Pour conclure je vous livre cette citation de Louis Pauwels : « L’idée que le monde doit être vécu au pluriel, c’est l’idée importante de cette fin de siècle. Le vrai racisme, le racisme fondamental, c’est de vouloir broyer tous les peuples, toutes les ethnies, toutes les cultures pour obtenir un modèle unique… ».

Meriadeg de Keranflec’h.

lundi, 26 août 2013

De l’étude des racines celtiques au projet politique pan-celtique de la République d’Irlande

 

Robert Steuckers:

De l’étude des racines celtiques au projet politique pan-celtique de la République d’Irlande

Conférence prononcée au Château Coloma, Sint-Pieters-Leeuw, le 2 mars 2013.

Prologue:

kahn1.gifQuelle surprise, la veille de notre rendez-vous annuel en ce château, de découvrir à l’étal des librairies un ouvrage sur le thème de notre colloque d’aujourd’hui, les Celtes et le celtisme. Il est de la plume du célèbre Jean-François Kahn, directeur de l’hebdomadaire “Marianne”, du moins de sa version française, puisqu’il existe désormais une version belge qui ne me semble pas avoir le tonus de sa consoeur parisienne, si bien que je ne parie guère sur sa survie. Jean-François Kahn ne semble pas homme, a priori, qui encombre ses réflexions d’un souci permanent des racines celtiques ou gauloises de la France actuelle: ses sujets de prédilection sont à l’évidence les problèmes sociaux, les dysfonctionnements politiques qui affectent son pays. Dans la littérature géopolitique et dans certains atlas historiques, cet “Hexagone” est désormais qualifié d’ “espace gallique”, recouvrant ainsi l’acception de “Francie occidentale” lors du partage de Verdun en 843. Le reste, soit la part de l’Hexagone qui n’est pas “gallique”, est inclu dans un “espace germanique et lotharingien” par les auteurs d’un précieux “Atlas des peuples d’Europe occidentale”, soit Jean et André Sellier (La Découverte, Paris, 1995-2006). L’espace “germanique et lotharingien” étant, pour J. et A. Sellier, l’addition des héritages de Lothaire et de Louis le Germanique (la “Francie orientale”) en 843. Dans son livre “L’invention des Français – Du temps de nos folies gauloises” (Fayard, Paris, 2013), Jean-François Kahn se penche sur ce qui s’est passé sur le territoire aujourd’hui “français” (y compris la part lotharingienne —et burgonde— absorbée et dénaturée) entre 600 av. J. C. (date présumée de l’arrivée massive de tribus celtiques) et 500 après J. C., quand les Francs, venus de nos régions, prennent le relais des Romains moribonds ou disparus. Ces onze siècles, pour Kahn, sont le véritable creuset où s’est formée la “nation française”, en dépit des apports romains et germaniques, campés comme des adstrats sans réelle importance. Ce creuset est celui d’un “invraisemblable capharnaüm de bandes et de hordes, de cités et de nations”, d’où sortira, en bout de course, “un étrange mille-pattes à mille têtes qu’on appellera les Français”. Kahn privilégie évidemment l’idée d’un creuset où se mêlent toutes sortes d’ingrédients hétérogènes au détriment de toutes les homogénéités qui se sont juxtaposées dans les espaces gallique, lotharingien et burgonde. Kahn tente de retracer les épisodes qualifiables d’anarchisants et de libertaires dans ces onze siècles quasi inconnus de nos contemporains, en manifestant sa sympathie pour ce magma tissé de turbulences, rétif à tout ordre politique.

Toujours privilégier les faits romains et francs

Ce qui est vrai dans sa démonstration, comme dans la démonstration de bon nombre de celtisants bretons ou autres, c’est que l’historiographie dominante a toujours privilégié les faits romain/latin et franc/germanique dans l’espace gallique, au détriment de ce que Kahn campe aujourd’hui comme “celtique” ou “gaulois”. Effectivement, le facteur celtique a été longtemps oublié dans l’historiographie dominante. Rome a évidemment apporté la langue latine dans l’espace gallique et, comme l’histoire repose sur l’étude des textes, nous n’avons jamais disposé que de textes latins. Il n’y a pratiquement pas de textes longs, sinon des épigraphies, en langues celtiques continentales. La démarche de l’historien repose sur des textes, sur des travaux sauvés de l’oubli comme ceux de Tacite et de Tite-Live. La Renaissance carolingienne privilégie, elle aussi, le latin, toutefois elle collationne en marge de ses activités des récits populaires germaniques, sous l’impulsion d’Alcuin (natif de York) et d’Eginhard (un Rhénan). Même sous l’égide de Dicuil, moine irlandais au service du pouvoir installé par Charlemagne, le latin triomphe comme langue officielle de l’Empire, pourtant germanisé. Les Germains ont pris le relais de Rome, surtout sur le plan militaire. Dans le bassin parisien, les Francs, venus de Taxandrie et de l’espace rhénan au Nord de Cologne, puis de Tournai et de Soissons, donnent leur nom à l’espace gallique: après eux, on ne parlera plus de “Gaule” mais de “Francie” ou de “France”, de “Franken-Reich”, de l’Empire des Francs. La loi salique, droit coutumier germanique rédigé vers l’an 600 dans une langue dont dérive directement les parlers néerlandais actuels (du moins les dialectes “bas-franciques”), s’impose à tous. La mémoire populaire —non celle des historiens spécialisés dans le haut moyen âge— oublie généralement un apport celtique très important (non linguistique et non démographique), celui des missions irlandaises de Colomban, Columcille, Vergile (Fergill), sauveurs des textes antiques qu’ils se mettront à recopier, parfois en s’opposant, comme Vergile dans l’espace alpin à cheval sur l’Italie et l’Autriche actuelles, à la papauté romaine.

Aujourd’hui encore, les instances officielles campent la Wallonie comme germanique de race et latine de culture

col1.pngEn tenant compte de ce contexte historique lointain, carolingien et bas-lotharingien —il existait une Basse-Lotharingie et une Haute-Lotharingie— la Wallonie actuelle, notamment sous l’impulsion d’un historien haut en couleurs aujourd’hui décédé, Léopold Génicot, et dans un ouvrage sur “Le français en Belgique”, publié par l’ex-Communauté française (devenue la “Fédération Wallonie-Bruxelles”), se pose comme héritière de Rome et du catholicisme, en tant que cadre forgé par un Empereur romain, Constantin. Les Wallons, officiellement, ne revendiquent donc aucune racine celtique, même si a existé un fond pré-romain et pré-germanique, aujourd’hui difficilement définissable. Pour Génicot, les Wallons descendent des Lètes germaniques de l’Empire romain, chargés de garder la frontière contre d’autres incursions germaniques. Rapidement latinisés, avec leurs officiers qui accèdent souvent à la citoyenneté romaine, ces Lètes ont précédé les Francs sur le territoire aujourd’hui wallon, surtout dans la vallée mosane: dans le chef de Génicot, le germanisme avait un droit d’aînesse en Wallonie dans le cadre belge et non la Flandre! Pour les héritiers de Génicot, qui ont confectionné cet excellent ouvrage, très précis, méticuleux et philologique, sur “Le français en Belgique”, les soldats germaniques de l’armée romaine installés en Wallonie actuelle auraient été recrutés, non pas en Rhénanie ou dans les tribus vivant sur la rive droite du Rhin, mais le long des côtes de la Mer du Nord en Hollande, en Frise, dans les régions de Brème et de Hambourg et en Scandinavie parmi les tribus classées sous le nom d’ “Ingwéoniens”. Ce n’est pas moi qui le dit, pour paraphraser Himmler et Degrelle: ce sont les historiens de la dite “Communauté française”... qui ne partagent apparemment pas les vues de Jean-François Kahn quand celui-ci déplore l’oubli des facteurs celtiques dans l’espace gallique et critique la surévaluation, à ses yeux, des facteurs romains et francs. Nous vivons une époque étonnante...

La “Gaule Françoise” de François Hotman

col2.jpgLe facteur celtique a effectivement été escamoté par toutes les renaissances intellectuelles qui ont jalonné l’histoire d’Europe occidentale jusqu’à la fin du 18ème siècle. Nous ne trouvons que quelques vagues évocations au 16ème siècle, où, une fois de plus, les facteurs classiques, gréco-latins, et germaniques sont seuls valorisés. Dans sa critique d’une monarchie française, qu’il considérait comme dévoyée après les massacres de la Saint-Barthélémy (1572), le juriste huguenot français d’origine allemande François Hotman, né à Paris, évoque une “Franco-Gallia” ou une “Gaule Françoise” (1573). Hotman souligne les origines franques-germaniques de la France médiévale. Ces tribus, qui ont franchi le “Rhein” (sic), avaient une notion innée de la liberté, comme le soulignait aussi Tacite: le principe germanique est donc un principe de liberté (et de liberté religieuse pour le protestant Hotman), idée que l’on véhiculera jusqu’à la première guerre mondiale. Il y a donc, d’un côté, cette idée de liberté, et, de l’autre, l’idée féroce de l’absolutisme, qui n’hésite pas à recourir à des massacres comme celui de la Saint-Barthélémy. Quand les principes libertaires germaniques régnaient sur tous les esprits, écrit Hotman, “Les rois n’avaient pas une puissance infinie ni absolue” (cf. André Devyver, “Le sang épuré – Les préjugés de race chez les gentilshommes français de l’Ancien régime (1560-1720)”, Ed. de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1973). Kahn inverse simplement le raisonnement ancien du Huguenot Hotman: le fonds pré-celtique, celtique et autre est réservoir de liberté, tandis que les systèmes mis en place par Rome et par les Francs sont tyranniques. Pour retrouver leurs libertés face à une droite et une gauche qui deviennent “mabouls”, les Français contemporains doivent, selon Kahn, recourir au fonds hétérogène pré-romain. Chez Hotman, le fonds pré-franc et pré-romain était réservoir de cruelle anarchie: le système libertaire germanique est venu l’humaniser (avant la lettre).

Vogue celtisante et “Sturm und Drang”

col3.jpgLes 16ème et 17ème siècles sont donc peu enclins à redécouvrir le fait celtique dans l’histoire des espaces gallique et lotharingien/germanique. Il faudra attendre la fin du 18ème siècle pour que naisse une véritable “vogue celtisante”, qui se poursuit encore aujourd’hui, notamment dans l’univers de la chanson, dans la bande dessinée et avec un festival comme le “Festival inter-celtique de Lorient”. Le “Sturm und Drang” littéraire allemand secoue les bonnes habitudes ancrées dans la culture européenne. Les protagonistes de ce mouvement littéraire en ont assez de la répétition des modèles classiques. Ils recherchent autre chose. Ils veulent un retour à des thèmes plus variés, comme chez Shakespeare, qui s’inspire certes de la culture classique, mais puise aussi dans les traditions de la très vieille Angleterre et de la Scandinavie du haut moyen âge. Ils espèrent aussi un retour à l’hellénité homérique, plus âpre que l’Athènes classique. Le philosophe Herder démontre dans la foulée du “Sturm und Drang” que l’excellence littéraire vient uniquement des racines, des sources les plus anciennes et non pas d’une répétition ad nauseam des mêmes thèmes classiques. Les frères Grimm, célébrés en 2012 outre-Rhin, seront ses héritiers en Allemagne. Les slavophiles russes le seront en Russie. En Ecosse, James McPherson, un écrivain pré-romantique, épigone du “Sturm und Drang” allemand, prétend avoir découvert les écrits d’un barde celtique ancien et de les avoir traduits. Ce barde se serait appelé “Ossian”. Il n’y a jamais eu d’Ossian: ces magnifiques poèmes, construits sur des canons non classiques, sortaient tout droit de l’imagination de McPherson. La vogue celtisante était lancée. Elle ne s’arrêtera plus.

Nous verrons que ce “Sturm und Drang” et ce “celtisme” britannique sont à replacer dans un contexte révolutionnaire dans la période 1780-1795 mais un révolutionnarisme qui tient compte des racines, tout en se montrant fort virulent dans ses critiques de l’absolutisme royal de l’Ancien Régime. Après Ossian, nous avons la renaissance du druidisme au Pays de Galles et l’émergence des Gorsedd, concours de poésie en langue galloise. Ailleurs en Europe, en dehors des régions où l’on a parlé des langues celtiques jusqu’à nos jours, l’archéologie tchèque (W. Kruta), hongroise (M. Szabo) et autrichienne s’est penchée sur les civilisations celtiques de la Tène et de Halstatt, découvrant un celtisme alpin et danubien, dont le 18ème siècle du “Sturm und Drang” et de l’“ossianisme” n’avait pas encore conscience

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Le Pan-celtisme actuel

Recension et source majeure de cet exposé: Peter Berresford Ellis, The Celtic Dawn – A History of Pan-Celticism, Constable, London, 1993.

col4.jpgAvant de parler de “pan-celtisme”, il convient préalablement de définir le terme, l’“ethnonyme” de “Celte”. Pour la plupart des celtisants ou des militants indépendantistes celtophones, est “Celte” seulement celui qui est locuteur d’une langue celtique, comme le gaëlique irlandais ou le gallois, le cornique ou le breton. A l’exclusion de tous les autres. Cette exclusivité celtophone a posé quelques problèmes, notamment quand les Galiciens et les Asturiens de la péninsule ibérique ont voulu adhérer au club des nations celtiques. Galiciens et Asturiens défendaient leurs positions en arguant qu’une émigration britannique (brythonique!), face à l’invasion des Angles, Jutes et Saxons, s’était installée dans le Nord-Ouest de l’Espagne, en même temps qu’en Bretagne. L’argument des adversaires de leur adhésion était de dire que les dialectes galiciens et asturiens (le “bable”) contenaient moins de mots d’origine celtique que le français ou l’anglais. De plus, le Nord-Ouest de la péninsule ibérique recèle encore d’autres ingrédients ethniques, suèves, wisigothiques, basques et alains. Sont cependant acceptés les locuteurs d’une des deux “linguae francae”, l’anglais et le français, si les postulants peuvent se dire d’origine gaëlique, cornique, bretonne ou galloise, parce que dans leurs régions des langues celtiques ont encore été parlées à l’époque médiévale ou post-médiévale.

Solidarités celtiques

On ne parlait pas de “celtisme” ou de “celtitude” avant la seconde partie du 18ème siècle. Cependant, pour l’historien du celtisme et écrivain Peter Berresford Ellis, Président de la “Celtic League” de 1988 à 1990, on peut repérer, tout au long de l’histoire médiévale des Iles Britanniques, des solidarités politiques inter-celtiques contre la prépondérance des éléments angles, saxons, jutes et normands, notamment quand il s’agit de porter secours à l’Ecossais Robert Bruce en 1314 ou d’aider les Tudor suite à la Guerre des Deux Roses au 15ème siècle. Richard III reçoit effectivement un appui de troupes corniques, galloises, écossaises et bretonnes. Quand les Tudor accèderont au trône d’Angleterre, ils oublieront leurs racines celtiques et se montreront plus anglais que les Anglais, tout simplement parce qu’il auront alors hérité du pouvoir central et que celui-ci, quel qu’il soit, s’oppose toujours à ses marges géographiques et ethniques.

Les pionniers de la redécouverte du fait celtique sont Edward Lhuyd, en Angleterre, dont les oeuvres paraissent en 1707. C’est lui qui réintroduit les termes “celte” et “celtique” dans le vocabulaire (d’abord philologique). Son travail est purement académique. En Bretagne, l’Abbé Pezron se penche pour la première fois sur la littérature celtique et amorce, encore timidement, la “vogue celtique”, qui prendra, comme on l’a vu, sa vitesse de croisière avec James McPherson (1736-1796). Tributaire de la mode lancée par le “Sturm und Drang” allemand, McPherson écrit des ballades et des poésies, attribuées à un barde du nom d’Ossian, qu’il aurait soi-disant traduites du gaëlique écossais. C’est un faux qui aura une postérité incroyable. L’engouement pour la poésie bardique atteint toutes les couches de la société: Napoléon était un lecteur fervent de McPherson. Bernadotte, le futur roi de Suède, figure au départ picaresque et époux d’une Irlandaise née à Marseille, nommera son fils héritier “Oscar”, du nom du fils d’Ossian. A la même époque, les Gallois celtisants organisent leur premier “Eistedfodd”, un festival de musique, de chants et de poésie celtique, ancêtre du fameux “festival inter-celtique de Lorient”.

Méchantes racines et bons nomades

Aujourd’hui, vu l’hostilité des idéologies dominantes aux racines, surtout dans l’espace linguistique francophone, on a tendance à dissocier complètement recours aux racines et volonté révolutionnaire: ne peut être “révolutionnaire” ou “progressiste” que celui qui s’arrache à ses racines, comme le réclame explicitement, sans la moindre nuance, un Bernard-Henri Lévy depuis son fameux “Testament de Dieu”, où, comme Moïse, il nous annonçait, sans rire, les nouvelles tables de la Loi, qu’un hypothétique Yahvé lui aurait confiées. Pour être acceptable, non condamnable, il faut être un “nomade”, un “vagabond” errant partout sur la planète: les “errants” sont les nouveaux Übermenschen pour ce fatras idéologique. Les braves enracinés, les nouveaux Untermenschen. Cette optique hostile à toutes racines est peut-être vraie pour la France, où le Club des Jacobins donnera le ton, et luttera contre les “patois” et les “pequenauds”: ce n’est pas vrai ailleurs et cela explique, notamment, le renversement unanime des révolutionnaires allemands les plus virulents (Fichte, Arndt, Jahn, etc.), qui prendront fait et cause contre la domination napoléonienne, quitte à s’allier aux rois. Cette optique franco-jacobine est fausse pour le monde celtique, où recours aux racines et volonté révolutionnaire ne faisaient qu’un. Dès 1789, Thomas Jones, un révolutionnaire anti-monarchiste, organise les premiers “Gorsedd”, les assemblées druidiques, dont on se gausse au départ. Cependant, tous s’y mettront rapidement avec enthousiasme, au Pays de Galles, en Cornouailles et en Bretagne. Iolo Morganwg lance, le 21 juin 1792, jour du solstice d’été, une assemblée annuelle des Bardes.

Idées républicaines et renaissance des langues

walter_scott_1302553800.jpgEn 1820, se crée en Ecosse la “Celtic Society”, sous l’impulsion, notamment, du célèbre romancier Walter Scott, dont les opinions politiques sont républicaines. Il utilise l’anglais pour son oeuvre mais n’aborde que des thèmes hostiles à la monarchie d’origine normande, en opposant les Saxons (Ivanhoe, Robin des Bois) aux Normands. En Flandre, cette manière de présenter les choses sera reprise par Hendrik Conscience, qui y ajoute, consciemment ou inconsciemment, la thématique du Huguenot François Hotman: l’élément germanique est vecteur de liberté populaire (ou de fougue révolutionnaire — ce qui n’est pas le cas de Conscience, qui a l’appui de Léopold I), l’élément normand (chez Scott) ou capétien (chez Conscience) est synonyme d’absolutisme et de tyrannie. La “Celtic Society” de Walter Scott est à l’origine de deux revues, qui paraîtront jusqu’à la fin du 19ème siècle, le “Celtic Magazine”, et le “Celtic Monthly”. Ces publications se fixent deux buts: 1) promouvoir les idées républicaines; 2) promouvoir la renaissance des langues celtiques. La notion de “république”, que l’on répète inlassablement aujourd’hui en France, sur un ton incantatoire qui nous agace profondément en dehors des frontières de l’Hexagone, ne correspond dont pas du tout à l’idée républicaine véhiculée dans les pays celtiques et en Ecosse à l’époque de la révolution française.

Ainsi, Thomas Muir, proclamé “Président d’Ecosse”, suite à une rébellion républicaine en 1797, fuit en Irlande où il est reçu au sein de la confrérie occulte des “United Irishmen”, opposés aux Anglais et à la monarchie (avec leurs collègues des “United Scotsmen” et des “United Englishmen”). Les “United Irishmen” se révolteront avec l’appui d’unités françaises débarquées en 1797 mais, contrairement aux clivages à l’oeuvre depuis le soulèvement catholique de gauche de Bernadette Devlin en 1972, les nationalistes-révolutionnaires des “United Irishmen” seront plutôt protestants que catholiques, ces derniers, inquiétés par les dérapages de la révolution française en Vendée et en Bretagne, seront plutôt loyalistes.

Des racines celtiques de l’idée républicaine en France

Autre indice, qui confirme la thèse de Peter Berresford Ellis: les députés républicains bretons de l’Assemblée Nationale française, Armand Kersaint et Lafayette (homme de paradoxes...!) réclament une intervention militaire ou navale pour sauver les républicains écossais de la défaite et de la répression. Ces députés bretons sont opposés au centralisme parisien et ne cessent de réclamer l’autonomie de la Bretagne, inaugurant ainsi un filon qui perdure jusque aujourd’hui dans le mouvement breton. Thomas Paine, Gaëlique écossais, rédige le premier manifeste des “Droits de l’Homme”: l’édition gaëlique connaîtra, à l’époque, un chiffre de vente et de diffusion plus important que sa version française, preuve que les Jacobins, les BHListes parisiens actuels et les chaisières du bazar droit-de-l’hommard, de Mitterrand à Hollande, se soucient comme d’une guigne des véritables droits de l’homme, qu’ils galvaudent au rang de pur slogan. Le premier manifeste des “Droits de l’Homme” a été rédigé par un militant, peut-être naïf, diront les conservateurs, mais dont les convictions républicaines ne peuvent être mises en doute ni la volonté d’émanciper ses contemporains, mais cette volonté n’est pas séparable d’un recours aux racines les plus profondes. Robert Price, autre militant celtique du Pays de Galles, écrit en 1776, suite à la révolution américaine, un manifeste “Civil Liberties” qui inspirera les rédacteurs de la première constitution républicaine française: il y a donc en celle-ci un élément républicain gallois. Price en a été l’inspirateur, ainsi que son propre maître Thomas Roberts. Les républicains celtisants insulaires sont donc, à un certain moment, en porte-à-faux par rapport aux Bretons, qui abandonnent l’idéal républicain vicié par les Jacobins et les centralistes parisiens qui refusent la reconstitution du Parlement de Bretagne, et adhèrent à la chouannerie royaliste.

L’oeuvre de Charles De Gaulle (1837-1880)

Au dix-neuvième siècle, le celtisme breton sera structuré par Charles De Gaulle (1837-1880), oncle du général de même nom et prénom. Natif de Valenciennes, dans le Hainaut annexé et toujours occupé, cet homme, malade et invalide, mourra dix ans avant la naissance de son neveu, que l’on prénommera Charles en son souvenir. Les De Gaulle, originaires du Hainaut mutilé et de la Flandre irrédente, ont des origines irlandaises, en la famille d’un certain Sean McCartan, Colonel d’une brigade irlandaise de l’armée royale française. Charles De Gaulle (numéro un) est un infirme: il est paralysé et habite au 282 de la Rue de Vaugirard à Paris. C’est dans ce logis, qu’il ne quittera pratiquement jamais, qu’il va tout imaginer, explique Peter Berresford Ellis. Il devient le secrétaire de “Breurez Breiz”, la société des poètes bretons de Paris, où il rencontre Théodor Hersart de la Villemarqué (1815-1895), qui a publié en 1836 le “Barzaz Breiz”, anthologie remarquée de chants populaires de la Bretagne. Les deux hommes sont également liés à l’Association Bretonne, fondée auparavant par Armand de la Rouerie en 1791. Elle avait pour objectif de restaurer l’autonomie de la Bretagne (comme avant 1532). De la Rouerie restera fidèle à la révolution française, en dépit de son départ pour l’Amérique, jusqu’à l’abolition du Parlement de Bretagne. Il meurt en 1793. Son Association est dissoute mais recréée en 1843, formulant les mêmes revendications. En 1858, elle est à nouveau dissoute par Napoléon III, bête noire des polémistes en Belgique à l’époque, sans doute pour cette hostilité à toute autonomie bretonne mais surtout pour son annexion, jugée totalement inacceptable à Bruxelles, de la Savoie et du Comté de Nice, encore deux fragments de l’ancienne Burgondie impériale détachés d’un Etat héritier de ce Saint-Empire: la crainte était grande de voir Napoléon III, comme auparavant Philippe le Bel ou Louis XIV, diriger ses efforts vers l’espace bas-lotharingien, après avoir grignoté l’espace burgonde ou haut-lotharingien. Charles De Coster, libertaire d’opinion, ne se lassera pas de fustiger ce “Napoléon-le-petit”, comme disait Victor Hugo en exil à Bruxelles, et le Philippe II de son “Tyl Uilenspiegel” est parfois une caricature de Napoléon III.

Charles De Gaulle le celtisant, est royaliste, catholique et conservateur, contrairement à bon nombre de celtisants des Iles Britanniques. Il fait basculer le mouvement breton, jusqu’aux années 60 du 20ème siècle, dans le camp conservateur, avec l’appui, il faut le dire, d’un roman à grand succès, celui d’Alexis-François Rio, intitulé “La petite Chouannerie” (1842). Ce roman donne le coup d’envoi à la volonté récurrente, en Bretagne, de suggérer une autre vision de l’histoire. La revue “Stur” d’Olier Mordrel, avant la seconde guerre mondiale, son livre “Le mythe de l’Hexagone”, les articles de la revue “Gwenn ha Du”, sont autant d’expressions de cette volonté. De Gaulle plaide pour la résurrection de la langue, comme les celtisants des Iles Britanniques s’efforcent de raviver le gallois ou le gaëlique irlandais. Les efforts de De Gaulle seront dès lors plus linguistiques que politiques. Autre petit fait intéressant à signaler: lorsque le Gallois Michael D. Jones fonde une colonie galloise en Patagonie, De Gaulle soutient le projet mais demande de respecter là-bas l’identité araucarienne: nous voyons là l’émergence d’un thème cher à Jean Raspail, la défense de toutes les racines, et au créateur de bandes dessinées Bilal, qui fait émigrer tout un village breton, hostile à des promoteurs immobiliers sans scrupules, vers la pampa argentine. De Gaulle veut une langue celtique unifiée, d’abord en Bretagne même, puis dans l’ensemble de l’espace celtophone. Sous son impulsion, les études celtiques sont enfin prises au sérieux en milieux académiques. Une véritable renaissance peut commencer, se consolider et être sûre de sa pérennité.

Les trois tendances du mouvement celtique

Trois tendances vont alors se juxtaposer dans le mouvement celtique, toutes nations particulières confondues:

1.     Une tendance littéraire avec l’émergence d’une littérature d’inspiration celtique mais rédigée en français ou en anglais. William Butler Yeats en sera l’exemple le plus connu mais son ésotérisme, assez éthéré, sera critiqué notamment par la revue “Stur” en Bretagne, cet ésotérisme oblitérant toute référence directe au réel concret, tout recours fécond au “vécu” (Mordrel).

2.     Une tendance purement philologique qui se focalisera sur la renaissance des langues et leur emploi dans la vie quotidienne et publique.

3.     Une tendance politique, qui englobera le travail littéraire et le travail philologique mais les doublera de revendications politiques et sociales, articulées dans les parlements et dans la vie politique du Royaume-Uni surtout, dont la dévolution sous Blair, avec l’émergence de parlements autonomes gallois et écossais et les tentatives actuelles de faire aboutir un référendum pour l’indépendance de l’Ecosse sont les dernières manifestations.

Cens décent, “fixity of tenure”, Home Rule

La dimension politique du combat celtique, voire pan-celtique, va s’arc-bouter dans un premier temps sur un problème très important et fort épineux: la question agraire, suite notamment aux famines qui ont frappé l’Irlande. La question agraire n’est pas résolue dans le Royaume-Uni au 19ème siècle, ni en Irlande ni en Ecosse. Au Pays de Galles, elle se greffe sur le problème du “tithe”, soit le paiement d’une dîme au propriétaire terrien (généralement protestant et anglais). Le but des “Panceltes” qui veulent résoudre la question agraire est d’imposer aux latifundistes qu’ils se satisfassent d’un cens décent et qu’il acceptent la “fixity of tenure”, soit le droit des exploitants ruraux à ne pas être chassés de leur lopin. Ce combat sera notamment mené par William O’Brien (1852-1928), dont l’inspiration politico-culturelle était panceltique, mais dont l’action était concrète: il fut, outre un combattant pour le droit des petits paysans irlandais contre les propriétaires absents (les “absentee lords”), un défenseur de l’idée de “Home Rule”. Lloyd George, avant de détenir les plus hautes fonctions dans le Royaume-Uni, était partisan d’une alliance parlementaire entre députés gallois et irlandais (la périphérie contre le centre) et d’un “self-government” gallois, équivalent du Home Rule irlandais réclamé à Dublin. Dans le sillage de ce combat pour la question agraire et pour le Home Rule naît l’association culturelle “Conradh na Gaeilge”, visant la renaissance des langues dans la vie quotidienne: elle militera pour le bilinguisme dans les écoles.

Douglas_Hyde_2.jpgA l’aube du 20ème siècle, les anciennes structures panceltiques sont remplacées par le “Celtic Congress” puis par la “Celtic League”. Ce sont des organisations faîtières qui chapeautent tout le mouvement panceltique. La figure principale, la plus notable, dans le cadre de ces organisations a été le Dr. Douglas Hyde (1860-1949), issu directement du “Conradh na Gaeilge”. Il sera le premier président de l’Irlande indépendante en 1937. Avant cela, il fut le premier professeur d’irlandais moderne (“Modern Irish”) à l’Université de Dublin. Des tiraillements existaient dans le mouvement irlandais avant la première guerre mondiale: fallait-il privilégier le combat linguistique, en visant l’ancrage de l’irlandais moderne dans les réseaux d’enseignement? Ou fallait-il privilégier l’union panceltique? La majorité a privilégié le combat linguistique; le combat panceltique était jugé difficile voire impossible sur le plan purement pragmatique à l’époque: de plus, il se heurtait à des clivages religieux qu’on ne saurait minimiser; les Irlandais étaient majoritairement catholiques et puisaient dans les ressources de leur catholicisme des énergies pour combattre l’Angleterre, tandis que les Ecossais étaient majoritairement presbytériens et les Gallois, méthodistes. Dans ces réseaux, issus du “Conradh na Gaeilge”, s’activait un futur martyr de la cause irlandaise, Padraig Pearse (1879-1916), l’un des seize fusillés suite à l’insurrection des Pâques 1916. Pearse mêlait dans son oeuvre des références au passé païen d’avant la conversion de l’Irlande par Patrick à un catholicisme celtique de l’époque mérovingienne, dont l’idéalisme de Columcille, l’un des sauveteurs de l’héritage antique. Il développait une éthique du sacrifice, à laquelle il a eu le courage de ne pas se soustraire.

Une ambiance révolutionnaire

Le “Celtic Congress” avait des dimensions essentiellement académiques. Il voulait celtiser l’enseignement et a donc axé son combat sur la question scolaire en Irlande. C’est à ce niveau que se rejoignent les dimensions culturelles et politiques parce que ce combat devait se gagner forcément dans les assemblées élues et légiférantes. La propagande anglaise soulignait alors l’“archaïsme” qu’il y avait à parler et écrire des langues celtiques: Pearse et ses compagnons rétorquèrent que les parler devenait de ce fait un acte politique contestataire de l’ordre établi. En 1914, avec l’éclatement de la Grande Guerre, le “Celtic Congress” a dû interrompre ses activités. Elles ne reprendront ni en 1915 ni en 1916. Elles reprennent toutefois en 1917, quand le souvenir cuisant de l’échec de l’insurrection d’avril 1916 se fait encore douloureusemet sentir. Ces activités se font à feu doux. Pearse est mort, d’autres sont encore emprisonnés. L’ambiance est révolutionnaire. Parmi les fusillés de 1916, il y avait le fougueux et très original leader socialiste irlandais, James Connolly, adepte et théoricien d’un marxisme virulent (appelé à résoudre la question agraire et les problèmes ouvriers), mais un marxisme “hibernisé”, avec des références à la mythologie celtique. Peter Berresford Ellis, également auteur d’une histoire du mouvement ouvrier irlandais (1), rappelle quelles ont été les grandes lignes de ce marxisme hibernisé. Il repose principalement sur l’idée d’un “communisme primitif” des tribus celtiques irlandaises, avant la conquête anglaise du 12ème siècle. Friedrich Engels apprendra même des rudiments de la langue celtique d’Irlande pour étudier ces structures tribales communautaires, avant d’ajouter un chapitre (jamais achevé) de son ouvrage essentiel sur les “Origines de la famille, de la propriété privée et de l’Etat”. L’appui de Marx et d’Engels à l’indépendantisme irlandais, comme expression de la lutte des classes et de l’émancipation des ruraux exploités par les latifundistes, ont suscité l’enthousiasme non seulement des pionniers du socialisme irlandais mais aussi des nationalistes, qui seront toujours reconnaissants à l’endroit et de Marx et d’Engels.

 

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James Connolly: alchimie marxiste et nationaliste

De cet enthousiasme du “Dr. Marx” qui prend fait et cause pour l’indépendance de l’Irlande, même face à l’hostilité des socialistes anglais, découle le mixte, étonnant ailleurs en Europe et dans le monde, de nationalisme et de marxisme. Pierre Joannon, dans son “Histoire de l’Irlande et des irlandais” (Perrin, Paris, 2006), nous explique très bien l’alchimie nationaliste et marxiste de la pensée de James Connolly, tout comme, en marquant une distance plus nette, l’historien anglais F. S. L. Lyons (2) nous avait démontré comment nationalisme, catholicisme et socialisme s’étaient combinés en une synthèse originale et difficilement transposable en d’autres contextes. Pour Connolly, le socialisme en place, devenu routinier et opportuniste, ne faisait plus que du “syndicalisme étroit aux objectifs limités” (Joannon, op. cit., p. 345). Le socialisme irlandais devait donc recevoir un apport d’énergie complémentaire que seul le nationalisme pouvait lui procurer, surtout le mixte de catholicisme sacrificiel et de nationalisme celtique mythologisé, chanté par Padraig Pearse (3). Ces réflexions sur le combat social, bien ancré dans le mouvement ouvrier et marxiste de son époque, et sur l’apport indispensable de la religion, de la mythologie et du nationalisme, conduisent Connolly à se joindre aux insurgés de Pâques 1916, à être capturé par les Anglais les armes à la main dans le “Grand Post Office” de Dublin et d’être condamné à mort et exécuté. Peter Berresford Ellis rappelle qu’en pleine guerre, les ouvrirers gallois envisagent de faire grève pour obtenir la grâce de Connolly. Ils volent même des explosifs qui seront expédiés en Irlande. Plus tard, des volontaires gallois et écossais (notamment la “Scottish Brigade” de Jim Reeder) se battront aux côtés des insurgés républicains entre 1919 et 1923.

Les événements qui secouent l’Irlande de 1916 à 1923 éveillent les esprits en Bretagne armoricaine. Les militants bretons sont fascinés par la création du premier Etat celtique moderne. Morvan Marchal est l’un de leurs chefs de file. Il appelle en 1925 les peuples celtiques à créer une organisation faîtière pour défendre leurs droits politiques et culturels, doublé d’un “Comité international pour les minorités nationales”. Forts de cette idée, les Bretons de “Breizh Atao” dépassent très vite les limites du seul “panceltisme”; ils appellent Corses, Flamands et Basques à se joindre à leur combat. Du “panceltisme”, on passe à l’idée d’un fédéralisme européen, celui que véhiculeront, chacun à leur manière et en dehors de tout contexte socialiste et marxiste, des figures comme Olier Mordrel, Marc Augier (dit “Saint-Loup”), Jean Mabire ou Yann-Ber Tillenon. “Breizh Atao” est ainsi la toute première organisation politique à énoncer l’idée d’un parlement européen, ne représentant pas des partis (corrompus) mais des populations réelles, concrètes, inscrites dans l’histoire.

De quelques nationalistes écossais

Le clivage gauche/droite, tel qu’il est manipulé par les idéologies dominantes et leurs médias actuellement, n’est nullement de mise quand on évoque les pages de l’histoire du panceltisme. Ainsi, le nationaliste écossais, le baron Ruraidh Erskine, est un aristocrate de vieille famille mais aussi un marxiste et un socialiste, qui va transmettre au nationalisme écossais, jusqu’à nos jours où il enregistre ses meilleurs succès, une idéologie de gauche. Erskine est en faveur d’une “république socialiste d’Ecosse”, tout comme son compatriote John Mclean (1879-1923), mort des suites des tortures qu’il a endurées après avoir protesté contre “la guerre impérialiste imposée aux Ecossais” en 1914. Dix mille personnes suivent son cercueil jusqu’au cimetière, à Glasgow lors de ses obsèques. Erskine, qui prend le relais de ce martyr, encourage, outre la lutte ouvrière comme Connolly en Irlande avant 1914, des aspects plus traditionnels, plus culturels et littéraires, selon les bonnes habitudes prises en pays celtiques. Lewis Spence (1874-1950) s’intéresse ainsi au druidisme, à l’art magique, aux traditions celtiques en général. Hugh MacDiarmid (1892-1978) lance le mouvement de la “Scottish Renaissance” qui ne se borne pas à ressusciter le gaëlique écossais des franges littorales occidentales de l’Ecosse mais aussi les dialectiques germanisés (influencés par l’anglais et le norvégien) des autres territoires écossais. MacDiarmid est également, comme Erskine, partisan d’une “république radicale-socialiste d’Ecosse”. Il est l’un des fondateurs du SNP (“Scottish National Party”) en 1928, ce qui nous ramène à l’actualité britannique, où, justement, ce SNP a le vent en poupe et s’apprête à demander que se tienne un référendum sur l’indépendance de l’Ecosse. Les avatars du nationalisme écossais nous montrent clairement que les démarches panceltiques sont inséparables des questions sociales et du monde ouvrier traditionnel, teinté de marxisme mais d’un marxisme somme toute bien différent de ce que nous connaissons sur le continent.

L’itinéraire étonnant de Hugh MacDiarmid

Revenons à MacDiarmid: son marxisme, rappelle Peter Berresford Ellis, n’est ni celui d’un Marchais et du PCF ni celui de la RDA ou de l’URSS mais, bien évidemment, celui de Connolly. MacDiarmid a également eu sa (brève) période mussolinienne, ce qui étonnera plus d’un simplet qui gobe aujourd’hui les terribles simplismes des médias actuels. Mais Mussolini était un socialiste vigoureux, aimé de Lénine, et, surtout, apprécié de Jules Destrée chez nous, dont l’énorme statue de bronze se dresse sur une place à Charleroi, sans qu’on ne se rappelle qu’il fut un vibrant mussolinien! L’engouement passager de MacDiarmid pour Mussolini ne l’empêche pas de devenir communiste par la suite pour être exclu plus tard pour “déviationnisme national”. Cette exclusion ne l’empêche pas d’être réintégré, à un moment fort mal choisi, en 1956, immédiatement après l’intervention soviétique en Hongrie.

Exclusion des Bretons et discours de De Valera

La persistance d’une fidélité à Marx —qui avait réclamé l’indépendance de l’Irlande dès les années 60 du 19ème siècle et avait ébauché des plans précis pour concrétiser ce projet— fait qu’après la seconde guerre mondiale, les Bretons sont exclus de l’orbe panceltique, vu l’engagement de nombreux nationalistes dans une formation paramilitaire, la “Bezen Perrot”, mise sur pied et armée par l’occupant allemand, pour venger un prêtre philologue très populaire, le paisible Abbé Perrot, assassiné par des militants communistes pro-français. Le mouvement nationaliste breton, en porte-à-faux idéologique par rapport aux autres nationalismes celtiques des Iles Britanniques, subit la répression française de plein fouet à partir de la fin 1944. Dans les Iles, la situation est calme: l’Irlande est restée neutre et les Ecossais et les Gallois ont combattu dans le camp allié. En 1947 se crée la “Celtic Union”, avec l’appui du Président irlandais Eamon de Valera (1882-1975). Celui-ci adresse un message intéressant à relire à ses amis gallois. Peter Berresford Ellis nous en rappelle la teneur et la clarté: “En étant fidèles à leurs traditions et à leurs langues, même dans des circonstances qui peuvent être jugées très critiques, les Gallois ont prouvé qu’une nation peut préserver son individualité tant que sa langue, qui lui procure l’expression le plus parfaite de sa personnalité, demeure utilisée dans la vie quotidienne. Un lien fort relie le peuple du Pays de Galles à celui d’Irlande, non seulement parce tous deux procèdent de la même matrice celtique, mais aussi parce qu’ils marquent une dévotion aux choses de l’esprit; cette attitude a été prouvée au-delà de tout doute possible par le désir passionné de chacune de ces nations à préserver leur culture. Nos deux nations savent qu’en agissant ainsi, elles sauvegardent quelque chose qui enrichit l’humanité toute entière, et, en particulier, renforce les liens qui unissent les peuples celtiques entre eux”. On retiendra de ce discours la nécessité impérieuse de garder sa langue ou ses traditions dans la vie quotidienne. Aussi que toute politique sérieuse, acceptable, toute politique qui n’est pas inéluctablement vouée à sombrer dans la plus veule des trivialités, doit uniquement envisager les “choses de l’esprit”, comme le voulait aussi un précurseur fascinant du nationalisme irlandais au 19ème siècle, Thomas Davis. La primauté accordée au spirituel par De Valera en 1947 permet effectivement d’enrichir l’humanité entière: les idéologies et les pratiques politiques qui n’accordent pas cette primauté à la culture, à la mémoire, constituent donc, sous-entendu, autant de dangers pour tous les hommes, quelles que soient leurs origines, leur race, leur position sur la carte du globe.

En 1947, les Bretons sont toujours exclus des organisations faîtières panceltiques. Mais les Gallois et les Ecossais finissent par apprendre que la répression française ne frappe pas seulement les volontaires de la “Bezen Perrot”. D’autres Bretons, apolitiques et non collaborateurs, parfois fort hostiles à l’idéologie nationale-socialiste allemande, ont été assassinés par les Français, dont le poète Barz Ar Yeodet, l’historienne Madame de Gerny et les écrivains Louis Stephen et Yves de Cambourg. Ces dérapages, les Gallois ne peuvent les admettre. Ils envoient une délégation en Bretagne et en France qui mènera une enquête minutieuse du 22 avril au 14 mai 1947. Le rapport de cette délégation est accablant pour Paris. Il donne tort à la France sur toute la ligne. Les Gallois déclenchent alors une campagne de presse dans tout le monde anglo-saxon qui conduit notamment à la grâce du militant Geoffroy, condamné à mort. Les Bretons sont aussitôt réhabilités et à nouveau acceptés dans les organisations panceltiques: l’attitude de la France est si inacceptable aux yeux des nationalistes gallois marxisés que la collaboration avec l’Allemagne hitlérienne est considérée sans doute comme un pis-aller, de toutes les façons comme un dérapage inéluctable dans le contexte tragique de l’époque.

Sean MacBride

En 1948, les Unionistes pro-britanniques gagnent les élections en Ulster, créant de la sorte les conditions d’une partition définitive de l’Ile Verte. Cette victoire conduit à l’émergence du “mouvement anti-partition”, dont les objectifs se poursuivent encore de nos jours. De Valera: “Pour nous, c’est une simple question de justice. L’Irlande est une; c’est donc une injustice criante que nous soyons partagés entre deux Etats. La partition est un mal qui doit être rectifié”. Dans la suite de son discours, résumé par Peter Berresford Ellis, De Valera exprimait son espoir de voir les peuples celtiques apprendre davantage les uns des autres parce qu’une nouvelle société, partout dans le monde, ne pouvait se construire que sur base de rapports entre ethnies profondément enracinées et non sur base de rapports entre empires ou Etats multi-nationaux, dominés par une seule nation. Il n’y avait pas de meilleur plaidoyer pour un ethnopluralisme planétaire, l’année même où les blocs se formaient suite au “coup de Prague” et allaient enfermer les peuples jusqu’à la perestroïka dont les retombées n’apporteront pas l’émancipation mais un esclavage nouveau sous l’emprise du néo-libéralisme.

SEAN-MAC-BRIDE0002.jpg Le ministre irlandais des affaires étrangères, Sean MacBride, fils de John MacBride, fusillé en 1916, avait été le chef de l’état-major de l’IRA. Cet avocat, fondateur du “Clann na Poblachta”, petit parti nationaliste radical, deviendra aussi le président d’Amnesty International, puis obtiendra le Prix Nobel de la Paix en 1974 et le Prix Lénine de la Paix en 1977! L’homme était un nationaliste irlandais pan-celte. Interviewé par le journal “Le Peuple breton”, il déclare, rappelle Peter Berresford Ellis: “Ce qui manque au monde, c’est un idéal basé sur un système où la liberté et la dignité humaines sont reconnues parce que la liberté, l’indépendance et l’intégrité des peuples sont protégées... les peuples celtiques peuvent aider (le monde) à propager cet idéal, qui est absent aujourd’hui”.

De 1947 à 1954, l’idéal panceltique est porté, entre autres organisations, par la revue “An Aimsir Cheilteach”, soucieuse de l’avenir des langues sans exclure un souci profond et permanent pour les questions sociales, en bonne logique “connollyste”. Cet engagement social rapproche les militants panceltes du “Labour” britannique. Mais suscite aussi les moqueries acides de la presse anglaise. En France, la répression jacobine, portée par son habituelle bêtise à front de taureau, s’abat sur cette revue, qui est interdite. Car le recours aux “interdits”, en bonne logique orwellienne, est une pratique qui coïncide avec la devise de la “République”: liberté, égalité, fraternité... MacBride, avocat, estime, pour sa part, que c’est une violation des droits de l’homme et engage un procès contre l’Etat français, qu’il gagne bien évidemment. Comique: la patrie des “droits de l’homme”, qui se targue de cette qualité depuis les délires à l’emporte-pièce énoncés par le très médiatisé Bernard-Henri Lévy, a été condamnée pour violation des droits de l’homme, lors d’un procès mené par un ministre irlandais des affaires étrangères, Prix Nobel et Prix Lénine de la Paix et président d’Amnesty International... Un petit épisode à rappeler, un sourire narquois aux lèvres, quand on a devant soi un fort en gueule qui pontifie son pauvre catéchisme “droit-de-l’hommard” à la sauce BHL! L’hydre jacobine cède de mauvaise foi: la revue n’est plus interdite. On fait simplement pression pour qu’elle ne soit pas distribuée. Rien de nouveau sous le soleil!

Première session du “Conseil de l’Europe”

En 1949, se tient la première session du “Conseil de l’Europe”, présidé par Paul-Henri Spaak. Les délégués irlandais déclarent que “l’Europe a sombré dans un marécage” et que “la vision celtique (ethnopluraliste définie par De Valera et MacBride) peut la sauver”. John Legonna (1918-1978) abondait dans ce sens, lors de son discours: “par leur exemple et par l’action de leurs dirigeants, les peuples celtiques pourraient fournir à l’Europe une voie pour retrouver le salut et s’extraire du marais dans lequel s’enfonce progressivement la civilisation européenne. Nous, dans les pays celtiques, disposons de tous les éléments nécessaires pour mener à bien une tâche historique de la sorte. Nous, les Celtes, avons toujours une puissante contribution à offrir à la civilisation humaine”. Les délégués celtiques demandent la création d’une “Union Fédérale des Nationalités Européennes”, pour sauvegarder les droits des minorités ethniques. Ce sera en vain: la Grande-Bretagne bloque la résolution parce qu’elle ne veut pas que les Irlandais d’Eire ouvrent le dossier de la partition, qu’ils jugent inique. La France, elle, refuse la constitution d’une “Court européenne des Droits de l’Homme”! Encore un bon rappel pour les zélotes actuels... Les Irlandais, dépités, haussent les épaules: “encore une manifestation des ‘power politics’”, conclueront-ils.

Une autre figure, également mise en exergue par Peter Berresford Ellis, mérite d’être extraite de l’oubli, celle de la juriste galloise Noëlle Davies, auteur d’ouvrages sur le nationaliste romantique Danois Grundvigt et sur Connolly. Elle suggère, pour les peuples celtiques comme pour les peuples européens, un modèle “pan-nordique”, semblable à l’Union Scandinave. En 1961, la “Celtic League” élit comme Président le Breton Alan Heusaff, un ancien combattant de la “Bezen Perrot”, qui lance la revue “Cairn”, qui paraît toujours actuellement.

Le panceltisme, qui permet de penser le politique en dehors du clivage gauche/droite, tel que nous le subissons dans le prêt-à-penser dominant, ouvre des pistes non encore exploitées:

-          l’anti-impérialisme en des termes euro-centrés, centré sur des identités européennes visibles et concrètes et non sur des identités loitaines difficiles à comprendre, soit un anti-impérialisme qui ne soit pas uniquement à l’usage de peuples du dit “tiers monde”, quoique ces derniers ont évidemment bien le droit d’en développer des formes propres, à leur bon usage; l’impérialisme contemporain pratique la colonisation mentale et la dépendance économique en Europe aussi: ce que bon nombre de tiers-mondistes des années 60 et 70 avaient oublié.

-          Un socialisme réel, non détaché d’une certaine matrice marxiste, qui pourrait renouer aussi avec des filons fédéralistes-proudhoniens, comme l’avaient proposé les auteurs d’un groupe animé à Nice par Alexandre Marc ou certains théoriciens italiens; la solidarité populaire, génératrice de formes politiques socialistes, ne peut être optimale qu’au sein d’identité concrètes; les autres formes de socialismes s’accomodent trop aisément du système; on l’a vu avec le néo-libéralisme, la fausse “troisième voie” du travailliste Blair, le bellicisme de ce dernier, les timidités et les atermoiements des sociaux-démocrates qui fâchaient déjà James Connolly.

-          Un féminisme sainement conçu dans le sillage d’une autre héroïne irlandaise, dont il faudra un jour parler à cette tribune, la Comtesse Markiewicz (1869-1927), où la citoyenne d’une république socialiste, nationaliste et panceltique aurait été un “zoon politikon” au même titre que les mâles.

-          Une piste écologique intéressante, où la préservation de la nature est aussi un impératif dicté par le désir naturel de préserver les paysages exaltés par la poésie traditionnelle et les traditions populaires. Cette piste écologique est inséparable d’un recours au local, même de dimensions réduites, au nom du slogan “Small is beautiful” de Kohr et Schumacher, et surtout respectueuse des “lois de la variété requise”, selon l’idée qu’avait formulée le militant breton devenu citoyen irlandais, Yann Fouéré.

S’engager sur les pistes qu’ouvrent les études serrées du panceltisme ou du socialisme irlandais, comme celles réalisées par Peter Berresford Ellis, permet de s’insinuer profondément dans les dispositifs de nos adversaires, d’utiliser leur propre vocabulaire en lui donnant une épaisseur bien plus substantielle, en le ramenant de force à ses matrices historiques: en effet, la métapolitique d’en face procède par affirmations péremptoires, assénées par la répétition ad nauseam dans les “mainstream medias”, par une méthode Coué qui finit par saoûler. Toutes ses affirmations, aussi tonitruantes que boîteuses, qu’elles se réfèrent à une forme ou une autre de marxisme ou au corpus des “droits de l’homme”, sont posées comme détachées de tout contexte historique. Elles n’ont dès lors aucune consistance car leur donner consistance, en les plongeant dans un empirisme historique, serait les transformer en armes redoutables contre le système planétaire, aliénant et amnésique qui nous oppresse. Le nationalisme et le socialisme identitaires des Irlandais a bien fait fléchir l’Empire britannique au faîte de sa puissance. Le système ne veut pas de consistance car toute consistance est, en fin de compte, un matériau pour l’érection d’un môle de résistance à l’homogénéisation globale, à l’homocratie en marche (Jan Mahnert). Nous voulons redonner de la consistance à nos peuples pour qu’ils s’émancipent, tout comme BHL veut nous arracher à nos racines et à  nos mémoires pour que nous soyons d’éternels moutons de Panurge. Le modèle irlandais est une bonne source d’inspiration pour réapprendreà résister.Une source d’inspiration à laquelle nous allons sans cesse retourner, ainsi qu’à d’autres chantiers similaires. J’espère que le résultat de ce colloque sera de susciter de telles vocations.

Robert Steuckers.

(Forest-Flotzenberg, février 2013; version finale: août 2013).

Notes:

(1)   Peter Berresford Ellis, Historia de la clase obrera irlandesa, Ed. Hiru, Hundarribia (Guipuzcoa), 2013 (traduction espagnole d’un livre aujourd’hui épuisé et intitulé A History of the Irish Workig Class, 1985).

(2)   F. S. L. Lyons, Culture and Anarchy in Ireland 1890-1939, Oxford University Press, 1982.

(3)   F. S. L. Lyons, op. cit.; cf. également: Ruth Dudley Edwards, Patrick Pearse, The Triumph of Failure, Gollancz, London, 1977.

samedi, 27 avril 2013

War Roak n°37

war raok 37

 

War Roak n°37

Réveiller les PEUPLEs-PATRIEs!

A divers moments de leur histoire tous les peuples ont du faire entendre leur voix pour continuer d’exister. Il est illusoire d’imaginer qu’un peuple puisse obtenir sa reconnaissance en droit et sa liberté dans le cadre de la Constitution d’un autre pays. Ceci est fondamental et depuis l’aube des temps l’administration coloniale a usé de toutes ses ressources, militaires et intellectuelles, pour asseoir sa domination. Sans liberté politique, il n’y a pas d’épanouissement possible !


Aujourd’hui le temps est venu de proposer à tous les peuples « embastillés » de se prendre en main, d’assurer eux-mêmes leur développement, d’affirmer leur volonté de vivre dans le respect de leurs valeurs nationales et de refuser les grands systèmes sans définition ethnique, sans dimension charnelle. Aussi l’idée des peuples-patries, élargie à l’Europe et au monde, est-elle le véritable défi historique du siècle à venir, le défi d’une civilisation bâtie sur un socle ethnique vigoureux.
Arrêtons-nous aux grandes déterminations qui définissent un peuple-patrie et le maintiennent dans sa personnalité différenciée, qui sont aussi ce par quoi la société politique internationale devra le reconnaître et le respecter. Le peuple-patrie n’est pas une population, un agrégat d’individus assemblés par les hasards d’une contrainte politique, les lois d’un marché économique, les intérêts matériels transitoires d’une classe ou d’une famille.
Il ne se saisit pas dans le moment mais ne se conçoit que dans la double perspective d’un passé et d’un avenir étroitement solidaires et propres au groupe national. (…) La « conscience nationale » est une expression récente, relative à des réalités qui ont souvent varié en fonction des dominantes philosophiques. Le peuple-patrie, lui, quel que soit son degré de conscience, reste un élément permanent de la vie, bien au-delà du politique.
En ce sens, les mouvements des peuples-patries ne sont pas des phénomènes mais bien au contraire la dynamique même du devenir des hommes. Notre engagement pour un peuple-patrie, union du peuple et de sa terre ancestrale, résulte d’une prise de conscience et d’une décision spécifique. Nous sommes mus par une nécessité interne et non par la pression ou l’influence d’une société qui nous devient étrangère, et dont nous refusons les rôles qu’elle veut nous faire jouer.

Nous voulons créer l’Etat de notre peuple-patrie. L’Etat n’est pas pour nous la fin de la vie nationale, mais le moyen de lui assurer un développement harmonieux, par ses interventions de puissance médiatrice, d’instance supérieure du politique, de garant de la personnalité ethnique du peuple-patrie. Nous ne sacrifions à aucun totalitarisme, car pour nous le changement institutionnel n’est pas la seule condition du salut national. Ne perdons jamais de vue que ce qui compte c’est la personnalité communautaire, plus que telle ou telle structure. L’Etat national doit être le régulateur d’une vie sociale qu’il n’a pas créée, le promoteur de formes culturelles qu’il n’a pas inventées et le gardien d’un patrimoine qui reste sa seule justification.
Il est une instance de la souveraineté populaire et un moyen d’exercice du politique compris comme recherche du consensus dans une visée à long terme du développement de la nation. Le principe de respect des cultures nous fait condamner l’assimilation des peuples par colonisation et substitution planifiée des populations.
Ce que nous refusons pour les ethnies d’Europe, nous le refusons aussi pour les peuples du monde. Notre position sur l’immigration de populations non-européennes en Europe se nourrit de notre expérience de nationalités en lutte pour leur survie et la reconquête de leur caractère-propre. Elle est donc choisie sereinement et avec rigueur. Nous sommes opposés à l’immigration extra-européenne comme au néo-colonialisme économique et culturel qui l’accompagne ordinairement.
Contre la dépersonnalisation et le déracinement des peuples de culture nous voulons un dialogue fécond des civilisations. Nous refusons donc le mondialisme et son projet de métissage universel des peuples et des cultures, caricature inversante d’une réelle solidarité humaine. Nous prônons la relance de la démographie de nos peuples. Nous rejetons le misérabilisme, nous refusons de gémir sur des maux nés en partie de notre faiblesse, car nous savons que notre action prend place dans une longue suite de renaissances qui sont autant de triomphes formalisateurs sur les faux-sens de l’histoire…

Extraits du texte proposé par Padrig MONTAUZIER et lu lors de la conférence de Terre et Peuple Wallonie au château de Coloma. 

samedi, 20 avril 2013

W. B. Yeats, Ireland and the Modern World

W. B. Yeats, Ireland and the Modern World

Professor Ronan McDonald

William Butler Yeats - Easter 1916 - Bob Geldof

William Butler Yeats - Easter 1916 - Bob Geldof

jeudi, 05 avril 2012

Messe à Koad Kev pour l’Abbé Perrot et les martyrs du nationalisme breton

Messe à Koad Kev pour l’Abbé Perrot et les martyrs du nationalisme breton

Venez nombreux honorer la mémoire de Yann Vari Perrot lâchement assassiné par des terroristes communistes pour fait d’aimer Breizh, sa foi et son peuple.

Rendez-vous lundi de Pâques à 10 heures place de l’église de Skrignag, puis cérémonie devant la croix sur le lieu même du crime. Ensuite recueillement sur la tombe de l’abbé Perrot à la chapelle Koad Kev. Repas et messe.

Doue ha Breizh.

Short URL: http://breizatao.com/?p=7874

dimanche, 26 février 2012

En souvenir d’Olier Mordrel

 

Robert Steuckers:

En souvenir d’Olier Mordrel

 
Olier Mordrel fut certes un homme de chair et de sang mais il fut aussi la quintessence, ou une facette incontournable de la quintessence de l’idée bretonne; et, au-delà de cette idée bretonne, il incarnait, en sa personne, la révolte d’un réel et d’un vécu brimés, brimés au nom de dogmes politiques abstraits qui oblitèrent, altèrent et éradiquent les legs populaires pour mieux asseoir une domination sans racines ni humus, portée par des gendarmes, des avocassiers bavards ou des fonctionnaires sans coeur ni tripes. Nul ne pourra contester cette affirmation de la quintessence bretonne incarnée en la personne d’Olier Mordrel, dont je vais esquisser ici un portrait.
 

Disparition des voix énergiques et des regards de feu

 
Cette affirmation, je la fais mienne aujourd’hui, en rendant cet hommage, sans doute trop concis, à ce chef breton, à ce croyant et ce fidèle, dont la foi et la loyauté se percevaient dans un timbre de voix, propre aux hommes vrais des années 20, 30 et 40. Ce type de voix a disparu dans tous les pays d’Europe: c’est, pour moi, un indice patent du déclin que subit notre Europe. Tout comme s’en vont, un à un, ces gaillards au regard de feu dont une formidable dame italienne déplorait la disparition, lors d’un repas convivial à Gropello di Gavirate en août 2006; cette dame, qui irradie la force et la joie, est la belle-mère de notre ami italien Rainaldo Graziani, fils de l’ami d’Evola, Clemente Graziani. Ce dernier, qui avait combattu jusqu’au bout dans les rangs des unités de la “République Sociale”, à peine libéré de son camp de prisonniers de guerre, avait chanté des chants patriotiques dans les rues de Rome; il avait, pour cela, été jeté quinze jours en prison à la “Regina Coeli”, y avait découvert un livre d’Evola et avait immédiatement voulu voir le Maître, pour mettre toutes ses actions futures au diapason de celui qui semblait lui indiquer la seule Voie praticable après la défaite. Pour cette dame, qui, assurément, possède encore ce feu intérieur, les hommes d’hier ont fait place à des mollassons, même parmi ceux qui osent se revendiquer du “bel héritage”. Jean Mabire aussi possédait ce feu intérieur. Son regard me l’a fait entrevoir quand il m’a serré la pince pour la dernière fois, à Bruxelles en décembre 2005, lorsque nous sortions du restaurant où nous avions assisté à une causerie/projection des “Amis de Jean Raspail”. Nous avons, en ce début de 21ème siècle, le triste devoir d’assister à la disparition définitive d’une génération pré-festiviste, qui avait véritablement fait le sel de notre Vieille Europe. Pour moi, Mordrel fut l’un des premiers à disparaître, quinze ans avant l’an 2000. C’est donc avec émotion que je couche ces lignes sur le papier. Sa voix, le regard de feu de Jean Mabire, la voix et les yeux de bien d’autres, comme cette sacrée Julia Widy de Deux-Acren, qui me parla avec force et chaleur de ses engagements passés quand je n’avais que quatorze ans, sont bien davantage que de simples phénomènes optiques et auditifs: ce sont de véritables forces nouménales qui m’interpellent chaque jour que les dieux font et m’incitent ainsi à ne pas capituler et à poursuivre, pour moi-même, pour mes amis et pour ceux qui veulent bien me lire ou m’écouter, la même quête spirituelle que les aînés et réamorcer sans cesse le combat pour une anthropologie axée sur cette valeur cardinale de l’humanité européenne qu’est la dignité, la Würdigkeit.
 

Du “Club des Cinq” à Markale

 
Dès l’école primaire, j’ai été fasciné par les matières de Bretagne, alors qu’adulte, je n’ai jamais eu l’occasion de mettre les pieds dans cette région d’Europe. Dans les versions françaises de la collection enfantine “Le Club des Cinq”, les aventures, toutes fictives, du quatuor, flanqué du chien Dagobert, se déroulent en Bretagne. Le paysage évoque une côte qui n’est pas plane, rectiligne, de dunes et de sable comme la nôtre, en Flandre. Elle est faite d’îles, d’îlots, de récifs, avec, derrière elle, non les Polders que nous sillonnions à vélo derrière Coq-sur-Mer, mais des landes de bruyère, avec des maisons mystérieuses, pleines de souterrains et de passages secrets. Dans mon enfance et ma pré-adolescence, je voulais voir un littoral échancré, que je ne verrai qu’en Grèce en 1972-73 et en Istrie en 2009 et en 2011. Et je ne verrai le littoral de la Bretagne qu’en images, que dans un cadeau d’Olier Mordrel, un beau livre de photos, tout simplement intitulé “La Bretagne”.
 
Ensuite, un condisciple de l’école primaire, Luc Gillet, avait un père ardennais et une mère bretonne: ses allégeances oscillaient entre un patriotisme français (ancien régime) et un “matrionisme” breton. Finalement, à l’âge adulte, quand il a commencé à étudier le droit aux Facultés Universitaires Saint-Louis, c’est l’option bretonne qui a pris le dessus: après avoir potassé son code civil ou son droit constitutionnel, il suivait des cours de biniou. Je l’ai perdu de vue et le regrette. Le mythe chouan était gravé dans ma petite cervelle grâce, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, à un cadeau de communion solennelle, “Le Loup blanc” de Paul Féval, auteur auquel Jean Mabire n’a pas manqué de rendre hommage. Plus tard, la Bretagne ne disparaît pas: notre professeur de latin, l’Abbé Simon Hauwaert avait été un fidèle étudiant de l’irremplaçable Albert Carnoy, professeur à Louvain avant la première guerre mondiale et, après un intermède américain entre 1914 et 1919, pendant l’entre-deux-guerres. Hauwaert, nous exhortait à explorer les racines indo-européennes de notre inconscient collectif, exactement comme Carnoy l’avait fait en publiant, en 1922, un ouvrage concis et fort bien charpenté sur les dieux indo-européens. Outre sa volonté de nous faire connaître à fond les legs gréco-romains et les pièges de la grammaire latine, il insistait sur la nécessité d’aborder en parallèle les mythologies germaniques (en particulier les “Nibelungen”) et celtiques (les “Mabinogion”). En obéissant à cette injonction, j’ai commencé, dès l’âge de seize ans, à lire les ouvrages de Markale sur les mythologies bretonne et irlandaise ainsi que les articles, encore épars, de Guyonvarc’h, récemment décédé.
 
Les études universitaires mettront un terme provisoire à cet intérêt celtisant: l’apprentissage des grammaires allemande et anglaise, les techniques de traduction, les nombreuses heures de cours etc. ne permettaient pas de poursuivre cette quête, d’autant plus qu’il fallait, en marge des auditoriums académiques, rester “métapolitiquement actif”, en potassant Pareto, Monnerot, Mannheim, Sorel, Schmitt, Evola et Jünger, dans le sillage du GRECE, de nos cercles privés (à connotations nationales-révolutionnaires) et des initiatives de Marc. Eemans, le surréaliste non-conformiste avec qui Jean Mabire a entretenu une correspondance.
 

Olier Mordrel téléphone au bureau de “Nouvelle école”

 
En 1978, lors du colloque annuel du GRECE, Jean-Claude Cariou, que je ne connaissais pas encore personnellement, m’indique, assez fier, qu’Olier Mordrel est présent parmi les congressistes et me montre où il se trouve au milieu d’un attroupement de curieux et d’enthousiastes qui voulaient absolument le voir, lui serrer la main, l’encourager, parce qu’ils ne l’avaient jamais vu, depuis son retour, d’abord discret, de ses exils argentin et espagnol. C’est ainsi que la puce nous a été mise à l’oreille: Mordrel était l’auteur du livre “Breizh Atao” (1973), une histoire du mouvement breton le plus radical du 20ème siècle, toute pétrie de souvenirs intenses et dûment vécus, alors que nous, les plus jeunes, ne connaissions la matière de Bretagne que par les travaux de Markale, certes, et plutôt par les chants et les théories “folcistes” sur la musique populaire d’Alan Stivell (auquel j’avais consacré un des mes premiers articles pour “Renaissance Européenne” de Georges Hupin et pour la belle revue “Artus”, à l’époque éditée à Nantes par Jean-Louis Pressensé). C’était effectivement “Artus”, à l’époque, qui nous ré-initiait à la culture bretonne. Quelques années passent, je me retrouve, à partir du 15 mars 1981, dans les locaux du GRECE à Paris pour exercer la fonction de secrétaire de rédaction de “Nouvelle école”. Outre la mission de préparer des conférences pour le GRECE, à Paris, au Cercle Héraclite, à Grenoble, à Strasbourg voire ailleurs, ma tâche a été, en cette année 1981, de réaliser deux numéros de la revue: l’un sur Vilfredo Pareto (avec l’aide du regretté Piet Tommissen), l’autre sur Heidegger (il sera parachevé par mon successeur Patrick Rizzi). Un beau jour, le téléphone sonne. Au bout du fil, la voix d’Olier Mordrel. Il m’explique qu’il vient de terminer la rédaction du “Mythe de l’Hexagone”. Il souhaite me confier le manuscrit pour que je lui donne mon avis. Je suis abasourdi, horriblement gêné aussi. Me confier son manuscrit, à moi, un gamin qui venait tout juste de sortir des écoles? Lui, le vieux combattant, désormais octogénaire? Inouï! Incroyable! Il insiste et quelques jours plus tard, je reçois un colis contenant une copie du tapuscrit. Je l’ai lu. Mais jamais je n’aurais osé formuler la moindre critique sur cet ouvrage copieux, fruit d’une réflexion sur l’histoire de France qui avait mûri pendant de longues décennies, dans le combat, l’adversité, l’amertume, l’ostracisme, l’exil, fruit aussi des longues conversations avec l’attachant Roger Hervé (à qui Mordrel dédiait cet ouvrage). Devant une telle somme, les gamins doivent se taire, fermer leur clapet car ils n’ont pas souffert, ils n’ont pas risqué leur peau, ils n’ont pas mangé le pain amer de l’exil. Quand Olier Mordrel m’a demandé ce que je pensais de son livre à paraître, une bonne semaine plus tard, je lui ai dit que, de toutes les façons, son ouvrage était aussi un témoignage, une vision personnelle en laquelle personne ne pouvait indûment s’immiscer sans en altérer la véracité vécue. Il a été satisfait de ma réponse.
 

Mordrel dans la tradition de Herder

 
J’ai ensuite lu “Breizh Atao” et, plus tard, “L’Idée bretonne” pour parfaire mes connaissances sur le combat breton. La parution du “Mythe de l’Hexagone” a été suivie d’une soirée de dédicaces dans un centre breton au pied de la Tour Montparnasse. Elle m’a permis de faire connaissance avec l’équipe de “Ker Vreizh”, animée à l’époque par Simon-Pierre Delorme, dont l’épouse, hélas décédée, était une brillante germaniste. Et aussi d’Ingrid Mabire, présente lors de l’événement. Cette confrontation avec la quintessence de l’idée bretonne, par l’entremise de Delorme, de Mordrel et surtout, ne l’oublions pas car il ne mérite assurément pas d’être oublié, de Goulven Pennaod, était, pour moi, concomitante d’une lecture de Herder, via la thèse magnifique d’un Professeur d’Oxford, F. M. Barnard (1), et des éditions bilingues proposées à l’époque par Aubier-Montaigne et préfacées tout aussi magistralement par Max Rouché (2). Pour “Nouvelle école”, je voulais rédiger un long article sur Herder et sur le droit qui découle de sa philosophie (via Savigny et Uwe Wesel). Pierre Bérard a partiellement réalisé mes voeux en publiant une longue étude dans la revue-phare du GRECE, une étude elle aussi magistrale, comme tout ce qui vient de ce professeur angevin exilé en Alsace, sur Louis Dumont, disciple français et contemporain de Herder. Un article plus directement consacré à Herder ou un numéro plus complet sur sa pensée (et sur sa postérité prolixe) aurait permis de consolider le lien entre le corpus de la “nouvelle droite”, qui n’est pas nécessairement tourné vers les patries charnelles, et le corpus de tous ceux qui entendent mettre un terme aux abus et aux travers du jacobinisme ou aux déviances dues à la volonté de fabriquer “une cité géométrique” par “dallage départemental” (selon la terminologie utilisée par Robert Lafont, militant occitan). Car Mordrel, volens nolens, est un disciple de Herder, surtout si l’on tient compte de l’aventure éditoriale qu’il a menée avant-guerre en publiant la revue “Stur”.
 

La métapolitique de “Stur”

 
Dans “L’Idée bretonne”, Mordrel résume bien l’esprit qui animait la revue “Stur”, dont le premier numéro sort en juillet 1934. “Stur” se posait comme une “revue d’études indépendante” mais elle ne cherchait pas à se soustraire au combat politique, devenu violent en Bretagne après les échecs électoraux du mouvement “Breizh Atao” dans les années 20. Pour Mordrel, l’idée bretonne devait offrir des solutions aux problèmes réels et concrets de la Bretagne, sinon “elle serait rejetée par le peuple comme un colifichet sans intérêt”. Le but de “Stur” n’était pas de faire de l’intellectualisme: au contraire, la revue préconisait de se méfier des “intellectuels purs”, “étrangers au monde des métiers, dégagés des liens multiples et vivants qui nous rendent solidaires du corps social”. “Nous avions horreur”, poursuit Mordrel dans son évocation de l’aventure de “Stur”, “de cette engeance qui triomphe sans modestie à Paris” car elle a été “élevée dans le royaume des mots, vivant de sa plume ou de sa langue, qui choisit entre les idées et non entre les responsabilités”. Pour “Stur”, les idées ne sont donc pas des phénomènes intellectuels mais des instruments pour “modeler la personne intime de l’homme”. Bref: ne pas vouloir devenir de “beaux esprits” mais des “drapeaux”; n’avoir que “des pensées nouées à l’acte”. 
 
 
 
Les articles de “Stur” ne seront donc pas doctrinaux, car l’énoncé sempiternel d’une doctrine finit par lasser, mais ils ne seront pas pour autant exempts de références à des auteurs ou à des filons philosophiques, lisibles en filigrane. Pour Olier Mordrel, l’apport intellectuel majeur à “Stur” vient essentiellement d’Oswald Spengler, via les articles du regretté Roger Hervé (signant à l’époque “Glémarec”) (3). Hervé/Glémarec retient de l’oeuvre de Spengler plusieurs éléments importants, et les replace dans un combat précis, celui de la Bretagne bretonnante, comme ils pourraient tout aussi bien être replacés dans d’autres combats: 1) pour Hervé, Spengler ne dérive pas sa démonstration d’une idée simple, fixe et pré-établie (comme “l’homme bon” de Rousseau ou la “lutte des classes” de Marx), d’une sorte d’All-Gemeinheit comme auraient dit Ernst Jünger et Armin Mohler, mais la tire des lois de l’évolution historique où l’homme n’est ni bon ni méchant a priori mais “fait le nécessaire ou ne le fait pas”; 2) Spengler, pour Hervé, est un professeur d’énergie dans la mesure où seuls comptent pour lui, sur les scènes de l’histoire, les hommes au caractère trempé, capables de prendre les bonnes décisions aux bons moments. Bref ce que Jean Mabire appellera des “éveilleurs de peuple”...
 

La Bretagne libre dans une grande Europe

 
“Stur” abordera toutes les questions qui découlent de cette vision récurrente d’une “Bretagne excentrée” par rapport aux axes Paris/Le Havre et Paris/Bordeaux. Certes, reconnait “Stur”, la Bretagne se situe en dehors des grandes routes commerciales de l’Hexagone et est, de la sorte, territorialement marginalisée. C’est pourquoi elle doit se choisir un autre destin: retourner à la mer en toute autonomie, retrouver la communauté des peuples de la Manche, de la Mer du Nord et du Golfe de Biscaye donc se donner un destin plus vaste, “européen”, comme celui qu’elle a raté lorsque sa duchesse n’a pas pu épouser Maximilien de Habsbourg à la fin du 15ème siècle. “Stur” reconnaît cependant qu’un indépendantisme isolé ne pourra pas fonctionner (cf. “L’Idée bretonne”, pp. 150-151): la masse territoriale “hexagonale” sera toujours là, aux confins orientaux de l’Armorique, quels qu’en soient ses maîtres (ils auraient pu être anglais si les rois d’Albion avaient vaincu pendant la Guerre de Cent Ans; ils auraient pu devenir allemands à partir de 1940). Pour s’affirmer dans la concrétude géographique du continent et des mers adjacentes, le nouveau nationalisme breton doit affirmer une vision nouvelle: ce ne sera plus celle d’un indépendantisme étroit, comme aux temps héroïques de “Breizh Atao”, qui ne définissait son combat politique que par rapport à l’Etat français et non pas par rapport à l’espace civilisationnel européen tout entier (“Aucun petit Etat ne peut plus être sûr de son lendemain, s’il ne s’est pas volontairement inclus dans un système d’échanges commerciaux et de protection mutuelle”, op. cit., p. 150). Le nouveau nationalisme breton est un aspect, géographiquement déterminé, du nationalisme européen, dont les composantes sont des “ethnies réelles” et non plus des “Etats pluri-ethniques” ou “mono-ethniques” qui briment leurs minorités ou des entités administratives qui éradiquent les longues mémoires. Le peuple breton, dans cette optique, a toute sa place car il est une “véritable ethnie”, dans le sens où il est un “peuple-famille”, tous les Bretons étant plus ou moins “cousins”. Ce vaste “cousinage” —cette homogénéité ethnique— est le résultat d’un amalgame de longue durée entre Pré-Celtes armoricains, Celtes et Gallois, et non pas la revendication d’un type ethnique particulier (nordique ou alpin ou autre), que l’on perçoit comme édulcoré ou “mêlé” dans le monde actuel et qu’un eugénisme étatique se chargerait de reconstituer de la manière la plus pure possible.
 
“Stur” a également abordé la question religieuse, au départ de trois constats: 1) le christianisme a mis longtemps à oblitérer les traditions préchrétiennes, païennes, en Bretagne comme en beaucoup de régions d’Europe; 2) l’Irlande a développé un christianisme particulier avant l’ère carolingienne, l’a exporté par l’intermédiaire de ses missionnaires comme Colomban à Luxeuil-les-Bains et Fergill (Vergilius) à Bregenz dans le Vorarlberg; il s’agira de mettre les linéaments de ce “celto-christianisme” en exergue (“das iro-schottische Christentum”); 3) la religiosité rurale de Bretagne n’a été effacée que fort tardivement, par les missions jésuites des 17ème et 18ème siècles, qui, pour paraphraser l’anthropologue contemporain Robert Muchembled, ont imposé la “culture des élites” (schématique et abstraite) de la Contre Réforme à une “culture populaire” (vivante et concrète).
 

Gwilherm Berthou et la Tradition

 
La plupart des militants bretons étaient catholiques, se percevaient en fait comme de nouveaux chouans contre-révolutionnaires, ennemis des “Bleus”, reprenant un combat interrompu par l’exécution de Cadoudal en 1801, par la répression républicaine et bonapartiste, par le désintérêt de la Restauration pour la question bretonne (une Restauration qui trahissait ainsi a posteriori les chouans). Olier Mordrel rappelle simplement que le premier auteur nationaliste breton à avoir esquissé une critique du christianisme, comme idéologie religieuse oblitérant la spiritualité naturelle du peuple, a été Gwilherm Berthou (alias “Kerverziou”). Berthou préconisera, dans les colonnes de “Stur” d’étudier la mythologie comparée (Rome, monde germanique, monde celtique, Inde védique, etc.), comme l’avait fait de manière simple et didactique Albert Carnoy à Louvain au début des années 20, et comme le fera, plus tard, de manière tout-à-fait systématique, Georges Dumézil. Berthou ouvre de vastes perspectives, vu la pluralité de ses angles d’attaque dans ses recherches religieuses et mythologiques; rappelons aussi, car il fut là un précurseur, qu’il cherchait surtout à dégager les études religieuses, traditionnelles au sens guénonien du terme, de toutes les “cangues kabbalistiques ou martinistes”, du théosophisme et du spiritisme. Sa démarche était rigoureuse: Berthou est allé plus loin qu’un autre chantre du celtisme, le grand poète irlandais William Butler Yeats, auteur de “Visions”, où le celtisme qu’il chante et évoque n’est pas séparable des pratiques spiritistes dont il se délectait. Yeats demeurait dans les spéculations kabbalistiques et “les traditions légendaires de sa race, il les voyait comme un simple panneau décoratif et un sujet de rêverie” (op. cit., p. 154). La Bretagne, profondément religieuse, a fait (sur)vivre certains avatars de la grande “Tradition” dans les liturgies et les croyances de son peuple, pensait Berthou, mais cette ferveur populaire a été brisée par la modernité, comme partout ailleurs, faisant sombrer l’Occident dans un chaos, dont seule une révolution politico-métaphysique de grande ampleur pourra nous sauver. Berthou finira par ne plus guère énoncer ses théories traditionalistes-révolutionnaires dans les colonnes de “Stur”, où il avait dévoilé pour la première fois au public les linéaments de sa quête spirituelle. “Stur”, revue de combat politique et métapolitique tout à la fois, n’était pas le lieu pour approfondir des théories religieuses et métaphysiques. Berthou, sans rompre avec “Stur”, fonde la revue “Ogam”, où s’exprime sans détours aucuns, et avec davantage de profondeur, son traditionalisme révolutionnaire. Dans les multiples expressions de la “Tradition”, Berthou, contrairement à d’autres, ne cherche pas des gourous qui enseignent la quiétude ou le retrait hors du monde effervescent de l’histoire (comme on pourra plus tard le dire de René Guénon), mais, au contraire, il cherche des maîtres qui enseignent énergie et virilité (comme plus tard, Julius Evola avec sa “voie royale du Kshatriya” ou, en Allemagne, un Wilhelm Hauer qui découvre en Inde l’ascèse guerrière du bouddhisme) (4). “Ogam”, à ses débuts (car la revue a eu une longue postérité, bien après 1945), alliait, écrit Mordrel (op. cit., p. 155), “nietzschéisme” et “traditionalisme”. C’est la naissance d’un néo-paganisme breton, ajoute toujours Mordrel, “en décalage de vingt ans sur le néo-paganisme germanique, mais en avance de quarante ans sur le néo-paganisme parisien” (op. cit., p. 155).
 
L’idée bretonne selon Mordrel n’était donc pas une simple idée “vernaculaire”, qui aurait eu la volonté de se replier sur elle-même, mais une vision nouvelle du politique, de l’histoire et de l’Europe.
 

“Le Mythe de l’Hexagone”

 
Revenons au livre, par lequel nous avions fait connaissance au printemps de l’année 1981, je veux dire “Le Mythe de l’Hexagone”. A la relecture de cet ouvrage aujourd’hui un peu plus que trentenaire, il m’apparaît assez peu lié; les chapitres se succèdent à une cadence que l’on pourrait qualifier de fébrile; on peut repérer des idées fécondes mais pas assez exploitées, que l’auteur, on le sent, aurait voulu développer jusqu’au bout de leur logique. C’est cette incomplétude (due aux impératifs typographiques) qui devait inquiéter Mordrel qui, anxieux, demandait à tous, y compris à des gamins comme moi, ce qu’ils pensaient de ce texte quelque peu “testamentaire”. Mais l’ouvrage est une somme qui éveille à quantité de problématiques autrement insoupçonnées ou perçues au travers d’autres grilles d’analyse. Son apparente incomplétude est une invite à creuser, toujours davantage, les filons indiqués par notre homme, à élargir les intuitions mordreliennes. Devenu octogénaire, notre Breton de choc a voulu tout dire de ce qui lui passait par la tête, coucher sur le papier l’ensemble de ses souvenirs, la teneur de ses courriers et conversations avec Hervé et les autres.
 

Olier Mordrel, juge d’instruction et procureur

 
Première interpellation du militant breton Mordrel: “Ne vous fiez jamais aux historiographies stato-nationales toute faites: elles sont des fabrications à usage propagandiste; elles projettent les réalités actuelles sur le passé, et parfois sur le passé le plus lointain”, fonctionnent à coups d’anachronismes. Deux fois condamné à mort par l’Etat français, Mordrel, sans doute en son subconscient le plus profond, voulait tuer symboliquement, avant d’être tué (on ne sait jamais...) ou avant de mourir de sa belle mort, l’instance qui lui avait promis le poteau mais n’avait pu le lui infliger, parce qu’il avait eu la chance, contrairement à d’autres, d’échapper à son implacable ennemie. “Le Mythe de l’Hexagone” est en quelque sorte un duel, entre Mordrel et la “Gueuse”. Celle-ci avait, par deux fois, voulu nier et supprimer la personne Mordrel, comme elle avait nié et supprimé la personne Roos en Alsace, parce que la personne Mordrel affirmait haut et fort, avec belle insolence, sa nature profonde, naturelle, physique et ethnique de Breton, et par la négation/suppression judiciaire de cette personne bretonne particulière, réelle et concrète, la “Gueuse” entamait un processus permanent de négation de toute forme ou expression de “bretonitude”. Inacceptable pour ceux qui s’étaient engagé corps et âme pour une Bretagne autonome. Mordrel, avec “Le Mythe de l’Hexagone”, va jouer le double rôle du juge d’instruction et du procureur: il va systématiquement nier l’éternité dans le temps et l’espace que se donne rétrospectivement la “Gueuse” avec la complicité d’historiographes mercenaires. Non, crie Mordrel, la France n’existait pas déjà du temps des mégalithes: elle n’est pas une unité géographique mais un point de rencontre et de dispersion; “elle comporte des façades qui n’ont ni la même orientation ni les mêmes connections extérieures”; ses frontières dites “naturelles” sont un “mythe”. Voilà le fond du débat Mordrel/France: la Bretagne est une réalité concrète (et non pas un résidu inutile, appelé à disparaître sous l’action du progressisme républicain); la France, elle, est un “mythe”, plutôt un “mensonge” et une “construction” qui nie les réalités préétablies par Dame Nature, qui devrait retrouver ses droits, pour le bien de tous: ainsi, le Rhin, pour Mordrel, n’est en aucune façon une “frontière” mais un creuset et un trait d’union (entre Alsaciens et Badois), alors que la Loire, elle, sépare bien un Nord d’un Sud distincts avant le laminage généralisé par la machine à “géométriser” la Cité.
 
Le chapitre sur le Rhin mérite amplement d’être relu et, surtout, étoffé par d’autres savoirs sur ce fleuve et cette vallée d’Europe. Les géopolitologues connaissent, ou devraient connaître, le maître-ouvrage d’Hermann Stegemann sur l’histoire du Rhin, rédigé en Allemagne au lendemain du Traité de Versailles, en 1922. En Belgique, le chantre du parti annexionniste de 1919, Pierre Nothomb, grand-père de l’écrivain Amélie Nothomb, qui voulait mordre sur le territoire rhénan au lendemain de la défaite du Reich de Guillaume II, terminera sa carrière littéraire en chantant tendrement le creuset ardennais/rhénan/luxembourgeois sans plus aucun relent de germanophobie. De même, le mentor d’Hergé, le fameux Abbé Norbert Wallez, rêvera plutôt d’une symbiose catholique-mystique rhénane/wallonne, après avoir abandonné ses réflexes d’Action Française. Mais ce sont là d’autres histoires, d’autres itinéraires politico-intellectuels, qui auraient bien passionné Olier Mordrel et Jean Mabire.
 

Hypothèses originales

 
Mordrel truffe ensuite “Le Mythe de l’Hexagone” de toutes sortes d’hypothèses originales. Quelques exemples : 1) le noyau de la France actuelle est la “Neustrie” précarolingienne, en voie de “dé-francisation”, c’est-à-dire de “dé-germanisation” (le francique fait totalement place au gallo-roman du bassin parisien) à côté d’une Austrasie mosane, mosellane et rhénane, celle des Pippinides, qui volera au secours de cette Neustrie aux chefs indécis et de l’Aquitaine ravagée au moment du raid maure contre Poitiers (732); 2) il n’y a pas eu d’ébauche de la France avant le 12ème siècle, affirme Mordrel, et d’autres Etats ou royaumes possibles auraient pu émerger sur ce qui est aujourd’hui le territoire de l’Hexagone: par exemple un empire postcarolingien de la Seine à l’Elbe; un double royaume, britannico-francilien autour de Paris et gaulois méridional autour de Bourges (centre géographique de l’actuel Hexagone); une fusion des héritages bourguignon et lorrain, constituant un espace médian entre une Post-Neustrie séquanaise et un bloc impérial germanique s’étendant jusqu’aux confins slaves de la Vistule au Nord ou de la Drave au Sud (Carinthie/Slovénie); l’émergence d’un “Royaume du Soleil” catalan et provençal, de Valence en Espagne à Menton sur l’actuelle frontière italienne, appelé à maîtriser tout le bassin occidental de la Méditerranée, îles comprises, contre les incursions sarrasines (l’Aragon se donnera cette tâche, une fois uni à la Castille); 3) l’historiographie française est encadrée par l’Etat et cherche en permanence à faire disparaître les preuves des impostures ou les traces de crimes abominables (génocides vendéen et franc-comtois); l’honnêteté intellectuelle veut qu’on les dénonce et qu’on leur oppose d’autres visions. Etc.
 
On pourra dire que Mordrel est parfois très injuste à l’endroit de la France mais, ne l’oublions pas, il est une sorte de procureur fictif qui réclame sa tête, comme celui, bien réel, de la “Gueuse” avait réclamé la sienne. Normal: c’est en quelque sorte un retour de manivelle... En attendant, les historiens contemporains, plus sensibles aux histoires régionales que leurs prédécesseurs, redécouvrent la matière de Bourgogne, l’originalité de l’histoire lorraine, comtoise ou savoisienne. Les idées de l’occitaniste Robert Lafont font leur chemin dans les têtes de ceux qui pensent le réaménagement post-centralisateur du territoire. Il est certain que, quant au fond, les idées ethnistes et fédéralistes de Mordrel, exprimées en leur temps sur le mode véhément que prennent toujours ceux que l’on refuse sottement d’écouter, ne soulèveraient plus le tollé chez les bonnes âmes ni le désir d’envoyer l’effronté à la mort comme chez ses juges du 7 mai 1940.
 

Epilogue

 
Yann Fouéré, disparu fin 2011, à l’âge vénérable de 102 ans, a rendu un vibrant hommage à Mordrel dans son livre “La Patrie interdite”, où il campe bien, et chaleureusement, le caractère et l’intransigeance de son compagnon d’armes pour l’autonomie ou la libération de la Bretagne. Cet hommage est d’autant plus admirable que les deux hommes n’avaient pas le même caractère ni, sans doute, les mêmes vues sur le plan pragmatique. Enfin, quand Pierre Rigoulot décide d’interroger les “enfants de l’épuration” pour en faire un livre épais (5), il s’en va questionner deux des trois fils d’Olier Mordrel, qui nous laissent des témoignages intéressants à consulter, pour cerner la personnalité de notre combattant breton: celui de l’aîné, Malo, né en 1928, est mitigé car, chacun le sait, il n’est pas aisé d’avoir un père militant et d’avoir été brinquebalé sur les routes de l’exil, de Sigmaringen au Sud-Tyrol et de l’Italie vaincue aux confins de la pampa de Patagonie; celui de Trystan, né en 1958 en Argentine, prétend s’inscrire dans la trajectoire de son père. Anecdote: ce Trystan, que j’ai perdu de vue depuis fort longtemps, avait voulu m’accompagner lors d’une longue marche entre Ypres et Dixmude, où nous nous arrêtions pour visiter les monuments de la Grande Guerre. Il me parlait de son grand-père, officier des fusiliers-marins bretons engagés à Dixmude en octobre 1914, aux côtés de l’armée belge exténuée par sa retraite et de quelques compagnies de Sénégalais. Et il voulait absolument voir le “Mémorial des Bretons”, au lieu-dit du “Carrefour de la Rose” à Boezinge (6). Pourquoi? D’après Trystan Mordrel, la disparition tragique, suite à une attaque allemande précédée d’une nappe d’ypérite en avril 1915, de beaucoup de soldats bretons des 45ème et 87ème divisions d’infanterie de réserve, aurait constitué le déclic qui fit de l’adolescent Olier Mordrel un combattant breton intransigeant; en effet, les soldats de ces deux divisions étaient des réservistes entre 35 et 45 ans, surnommés, par les jeunes poilus de première ligne, “les pépères”. Dans l’école et le village d’Olier, bon nombre de ses petits camarades de jeu étaient devenus orphelins après cette bataille d’avril 1915. Le sang breton avait été sacrifié, pensait Olier adolescent, en vain, en pure perte. Sentiment équivalent à celui de bon nombre de Flamands, qui créeront après 1918 le “Frontbeweging”. Le “Mémorial des Bretons” du “Carrefour de la Rose” n’a que de petites dimensions mais est terriblement poignant: un vrai dolmen en pierre de Plouagat et un calvaire comme en pays armoricain.
 
J’envoyais systématiquement mes productions à Mordrel qui les lisait attentivement. Dans l’article nécrologique, publié dans le numéro 21/22 de “Vouloir”, Serge Herremans rend hommage à Mordrel disparu: “Olier Mordrel nous a quittés. Avec lui, nous perdons surtout un aîné qui nous a indiqué la voie à suivre pour construire une Europe fédérale mais consciente de son unité géopolitique. Mais nous perdons aussi un lecteur attentif et enthousiaste qui n’a jamais cessé de nous prodiguer moults encouragements. Le plus touchant de ses encouragements fut celui-ci: ‘Vous avez le grand mérite de partir du Vécu’. Pour un combattant de la trempe d’un Mordrel, ce n’est pas un mince compliment. Nous tâcherons de rester à la hauteur de son estime”. Deux ou trois semaines avant de mourir, Olier Mordrel m’avait confié un article, sans doute le tout dernier qu’il ait écrit. Intitulé “Les trois niveaux de la culture” (7), il avait cette phrase pour conclusion: “Pour faire le tableau de la culture de demain, il faudrait la voyance d’un Spengler, la véhémence d’un Nietzsche, le lyrisme d’un Michelet. Qu’il nous suffise d’en préparer les voies”. La dernière phrase est une injonction: que les lecteurs de mes modestes souvenirs en tirent les justes conclusions...
 
Robert Steuckers.
 
 
 
Notes:
1)     F. M. BARNARD, Herder’s Social and Political Thought – From Enlightenment to Nationalism, Clarendon Press, Oxford, 1965.
2)     Max ROUCHE, “Introduction” à a) Herder, Idées pour la philosophie de l’histoire de l’humanité (Ideen zur Philosophie der Geschichte der Menschheit), Aubier/Montaigne, éd. bilingue, 1962; et b) Herder, Une autre philosphie de l’histoire (Auch eine Philosophie der Geschichte), Aubier/Montaigne, éd. bilingue, 1964.
3)     Roger Hervé vivait, quand je l’ai connu, dans un petit appartement exigu, en lisière de la Gare Montparnasse à Paris. Il était quasiment aveugle. Il disposait d’une magnifique bibliothèque et d’archives impressionnantes apparemment toutes consacrées à l’oeuvre d’Oswald Spengler, qu’il ne voulait pas aliéner. Lors d’une de mes visites, quand la cécité l’avait considérablement diminué, il m’avait offert une chemise de carton léger magnifiquement décorée de dessins, en bleu sombre, de Xavier de Langlais qui contenait une de ses oeuvres: un atlas très précis de l’histoire de la Bretagne, car Roger Hervé était aussi un excellent cartographe. Je possède aussi une petite plaquette verte intitulée “Actualité de Spengler”. Mais que sont devenus tous ces trésors, accumulés dans son minuscule appartement, après son décès?
4)     Robert STEUCKERS, “Wilhelm Hauer, philosophe de la rénovation religieuse”, sur http://robertsteuckers.blogspot.com/
5)     Pierre RIGOULOT, Les enfants de l’épuration, Plon, Paris, 1993 (voir chapitre: “Malo, Tanguy, Trystan et l’auteur de leurs jours” (pp. 409-430).
6)     Ceux qui souhaitent visiter ces lieux de mémoire de la Grande Guerre, achèteront, dans les librairies militaires anglaises d’Ypres, et liront avec profit le guide que le Major britannique Holts a confectionné avec l’aide de son épouse: Major and Mrs. Holts, Battlefield Guide – Ypres Salient, Leo Cooper/Pen & Sword Books, Barnsley/South Yorkshire (GB), 1997.
7)     Olier MORDREL, “Les trois niveaux de la culture”, in Vouloir, n°21/22, sept.-oct. 1985, pp. 5-7.
 
Livres consultés:
- Yann FOUERE, La Patrie interdite – Histoire d’un Breton, France-Empire, 1987.
- Yann FOUERE, Histoire résumée du mouvement breton de 1800 à 2002, Celtics Chadenn, coll. Brittia, Londres, 2002.
- Olier MORDREL, Breizh Atao – Histoire et actualité du nationalisme breton, Alain Moreau, 1973.
- Olier MORDREL, Le Mythe de l’Hexagone, Jean Picollec, 1981.
-          Olier MORDREL, L’idée bretonne, Albatros, 1981.
-          Olier MORDREL, La Bretagne, Nathan, 1983.

jeudi, 29 septembre 2011

Ti-Breizh: Templiers en Bretagne

templiersbretons

samedi, 06 août 2011

Michael Collins, le leader perdu de l'Irlande

 

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Michael Collins,

 

le leader perdu de

 

l'Irlande

 

par Michael LOFTUS

 

Michael Collins a sans doute été l'un des plus remarquables et des plus dynamiques chefs révolutionnaires du XXème siècle. Un historien a même dit que Lénine faisait figure d'amateur à côté de Collins. Cet homme d'action formait une rare alliance de visionnaire et de réaliste. Pendant la lutte pour l'indépendance de l'Irlande, de 1916 à 1922, Collins joua un rôle de plus en plus important et, à la fin, il dirigea le combat contre la Grande-Bretagne.

 

Il est élu député du Sinn Feinn au parlement britannique lors des élections tenues après la signature de l'armistice de 1918. Le Sinn Feinn fondé par Arthur Griffith en 1905 avait été restructuré pour mener à bien ces élections ; il était constitué, en fait, d'an ensemble disparate d'organisations politiques et culturelles nationalistes.

 

À l'issue de ces élections, le parti rebelle récolte 74% du vote populaire. Ses députés refusent de siéger à Westminster. Ils forment un gouvernement séparé à Dublin : le Dail Eirann. Collins est nommé Ministre de l'Intérieur. Quelques semaines plus tard, il est également nommé Ministre des Finances. Les Britanniques réagissent avec rapidité : le gouvernement récemment formé est interdit et doit rentrer dans la clandestinité. Une des premières mesures de Collins sera de lever un emprunt national de soutien à l'action du gouvernement irlandais. Son but : lever 250.000 £ (environ 15 millions de DM actuels). Le total récolté dépasse ce montant, un exploit quand on pense que les banques sont perquisitionnées par les Britanniques à la recherche de dépôts et que les certificats d'obligations sont confisqués. Cinq millions de dollars supplémentaires parviennent des États-Unis.

 

Après 1919, la lutte contre l'occupation britannique s'intensifie et culmine dans une guérilla féroce opposant les forces britanniques et l'armée rebelle, connue populairement sous le nom d'«Armée Républicaine Irlandaise» (IRA) qui agit sous les ordres du Dail Eirann. L'Empire est représenté sur le terrain par les «Black and Tans», unités formées d'anciens soldats britanniques recrutés pour, selon le Premier Ministre Lloyd George, « combattre la terreur par la terreur ». Ces troupes sont soutenues par des «auxiliaires», d'anciens officiers constituant une élite de combat bien équipée et bien armée. L'armée régulière est également considérablement renforcée.

 

En sus de ses obligations gouvernementales usuelles, Collins accepte la responsabilité de l'organisation et de la gestion de l'armée révolutionnaire. Il crée de surcroît son propre service de renseignements pour contrecarrer les activités de l'efficace Secret Service britannique dont le centre nerveux est alors situé au Château de Dublin. Collins comprend que la clef du succès révolutionnaire réside, en tout premier chef, dans la neutralisation de ce Secret Service. Auparavant, tous les mouvements nationalistes avaient été infiltrés et détruits grâce aux espions et aux indicateurs à la solde de l'Empire. Collins est donc déterminé à ce que l'histoire ne se répète plus. Espions et indicateurs seront abattus. Il réussit à placer bon nombre de ses propres hommes au sein même du Secret Service et de la division G de la police métropolitaine de Dublin (la branche de la Sûreté responsable de la surveillance des milieux nationalistes). Ses hommes parviennent à percer le code utilisé pour la transmission de renseignements confidentiels entre les postes de police et ceux de l'armée. L'organisation secrète de Collins parvient ainsi à intercepter plusieurs messages officiels. Elle exerce une pression de plus en plus forte sur les services secrets britanniques en Irlande de sorte qu'à la fin de l'année 1921 approximativement 80 agents britanniques ont été exécutés. À ce stade, le service secret cesse virtuellement de fonctionner. Ce remarquable exploit mine la base même de l'influence et de l'autorité britannique. Collins vient, comme il le dira plus tard, « d'ôter la vue et l'ouïe de l'administration ».

 

La guérilla se poursuit, des «colonnes volantes» occupent la campagne, choisissent le lieu de l'attaque et frappent l'ennemi à l'improviste puis s'évanouissent pour frapper à nouveau subitement ailleurs. De la sorte, elles réussissent à immobiliser un grand nombre de troupes régulières. La lutte s'amplifie rapidement en une guerre sauvage. Les atrocités commises par les «Black and Tans» et leurs «Auxiliaires» sont fréquemment dénoncées par la presse britannique et internationale. Ces critiques répétées ébranlent le bien-fondé de la présence britannique. Sir Oswald Mosley, partisan de la cause nationaliste irlandaise, intervient alors à plusieurs reprises au Parlement pour dénoncer « l'illégalité et la flagrante iniquité présente en Irlande ». Pour mettre fin au conflit séculaire, il fonde le « comité pour la paix en Irlande ».

 

À cette époque, la majorité du peuple irlandais supporte l'armée révolutionnaire et les leaders du gouvernement clandestin. En 1921, le gouvernement britannique, conscient que l'issue de la lutte militaire est incertaine, propose une trêve. Michael Collins fait partie de la délégation irlandaise qui rencontre le Premier Ministre Lloyd George, Winston Churchill et d'autres politiciens britanniques en vue. Après des mois de difficiles tractations, un traité est signé : 26 des 32 comtés de l'Irlande formeront un État indépendant au sein du Commonwealth, l'État libre d'Irlande. Une commission frontalière, composée de représentants de l'État libre, de l'Irlande du Nord et de la Grande-Bretagne, décidera ultérieurement du sort des six autres comtés (l'Irlande du Nord). Un plébiscite pourra avoir lieu, si cela s'avère nécessaire, afin d'établir la préférence des habitants de l'Ulster. À cette époque, plus d'un tiers de la population du Nord est nationaliste et il voterait sans doute pour l'union avec l'État libre. Lloyd George laisse entendre que ce qui resterait de l'Irlande du Nord ne serait plus économiquement viable et qu'il soutiendrait un compromis entre les deux parties pouvant aboutir à l'unité de l'île. Collins lui aussi est prêt à reconnaître les aspirations légitimes des loyalistes britanniques en créant un état fédéral. Les circonstances et le destin s'opposeront à la tenue de ce plébiscite.

 

À la signature du traité, Sir Oswald Mosley déborde d'enthousiasme ; il déclare : « que ceux qui luttèrent seuls pour cette noble cause, méprisés et vilipendés au début soient encouragés par cette récente victoire de leurs principes humanitaires et pacifiques ». Mosley ne cache pas son admiration pour Michael Collins, par la suite il continuera à en parler en des termes élogieux et respectueux.

 

Le Dail se réunit enfin pour ratifier le traité. Collins se prononce en faveur d'un compromis qui, pour lui, représente la meilleure solution. La lutte contre la Grande-Bretagne peut maintenant être terminée en des termes honorables. Ainsi pourra-t-on mettre fin à la haine et aux destructions et construire ensemble le nouvel État. « L'irlande est un - peut-être le seul - pays aujourd'hui qui affronte encore l'avenir avec l'espoir de vivre demain d'une manière plus civilisée. Nous avons beaucoup de chance, tant de choses sont à notre portée. Qui peut toucher à notre liberté ? »

 

Eamon de Valera, un des membres importants du mouvement nationaliste et un des seuls leaders survivants de l'insurrection de la Pâques 1916 s'oppose au traité. Lui et ses partisans croient que la guerre contre l'Angleterre doit être poursuivie jusqu'à ce que la Grande-Bretagne accepte l'établissement d'une république complètement séparée d'elle. Pour Collins, la Grande-Bretagne peut continuer indéfiniment une telle guerre, ce qui ruinerait à jamais la reconstruction d'une «Nouvelle Irlande». « Nous avons devant nous la reconstruction de notre pays : ce ne sera pas un travail aisé, ce sera un pénible labeur mais quelle noble et enivrante entreprise ! ». Beaucoup comprennent alors que l'Irlande hypothéquerait le capital de sympathie acquis lors de sa lutte pour l'indépendance (ce fut un des facteurs décisifs dans la décision des Britanniques de négocier) si elle venait à rejeter ce qui est considéré comme un accord juste et équitable. Lors du vote, la majorité du Dail approuve le traité. De Valera et ses partisans quittent l'assemblée. C'est un triomphe politique pour Collins mais il est mitigé par une tragédie personnelle. Le mouvement nationaliste commence à se diviser et des hommes qui avaient été jusque là des frères en armes seront bientôt ennemis.

 

Collins est nommé président du nouveau Gouvernement Provisoire mis sur pied. La division s'accentue non seulement parmi les leaders politiques mais aussi au sein de l'IRA. Collins contrôle la société secrète révolutionnaire, l’IRB (Irish Republican Brotherhood) et, au travers de celle-ci, il parvient à gagner le soutien d'une grande partie des militants des mouvements politiques et de l'IRA. Il poursuit néanmoins les négociations avec De Valera et ses partisans ainsi qu'avec une faction de l'IRA qui envisageait d'établir une « dictature militaire ».

 

Après une occupation de plusieurs siècles, l'administration et l'armée britannique plient bagage. Le Château de Dublin, symbole de la puissance britannique en Irlande, est remis officiellement à Collins. Les casernes et autres installations militaires sont confiées au Gouvernement Provisoire. Entre-temps, quelques membres de l'IRA, hostiles au nouveau Gouvernement entament l'occupation d'édifices publics et de postes militaires. Afin d'éviter un conflit, Collins poursuit les négociations avec les opposants de son gouvernement. Lors d'une de ces réunions, il déclare « donnez-moi quatre jours et je vous donnerez une République ». En vain, la guerre civile se rapproche de jour en jour. Le point critique est atteint quand une brochette de chefs importants de l'IRA rebelle refuse d'évacuer le Palais de Justice de Dublin. On donne l'ordre de les expulser à coup de canons. La guerre civile est déclenchée. On chasse les forces anti-gouvernementales de leurs autres bastions de la capitale. Elles reforment en rase campagne des «colonnes volantes», très actives dans les comtés méridionaux. Elles continuent à s'appeler IRA, pour le gouvernement il s'agit de «troupes irrégulières». L'armée du nouvel État libre, constituée d'anciens de l'IRA, entraînés aux tactiques de la guérilla, vient rapidement à bout des Irréguliers qui, n'ayant pas le soutien de la population, sont vite sur la défensive. Collins accepte la responsabilité de mener cette guerre et en plus de ses autres fonctions officielles, il accepte le poste de Commandant en Chef de l'armée de l'État libre. Un conseil de guerre constitué de Collins, du général Mulcahy et du général O'Duffy est mis sur pied (O'Duffy devint par la suite le leader du mouvement des chemises bleues). Le 21 août 1922, Collins décide d'effectuer une inspection du comté de Cork occidental, un comté fraîchement repris par l'armée régulière. Le lendemain, lors d'un voyage non loin de son lieu de naissance, Collins et son convoi militaire tombe dans une embuscade tendue par les Irréguliers. Collins, âgé de 32 ans, meurt des suites de cette attaque.

 

Kevin O'Higgins, un des ses amis et collègues qui, en tant que Ministre d'État, fut lui-même tué par l'IRA en 1927 écrivit peu après cette tragédie : « ... Michael Collins est mort. Quel gâchis tragique ! Quelle souffrance infinie ! Cet esprit avec tout son potentiel emporté par une balle fratricide. Ce grand cœur arrêté, ce corps athlétique dont chaque nerf et muscle œuvraient sans compter pour son peuple bien aimé, est raide maintenant, éteint par une mort inopportune et violente. Pleure, peuple d'Irlande, car l'un de tes plus généreux fils vient de te quitter, il t'aimait et se battait sans relâche pour toi. Pleurez Irlandais, mais puissiez-vous lire au travers de vos sanglots la leçon à tirer de sa vie et de sa mort. Michael Collins œuvra dur en des temps difficiles. Jamais il ne douta du peuple irlandais ni de son avenir. C'est cette confiance inébranlable qui rallia notre peuple quand il vacillait au début de la Terreur anglaise. C'est cette confiance sublime qui mena notre difficile contre-offensive. Sa foi sema la récolte. Elle sera notre inspiration pendant la moisson. Pleurez donc, mais ne désespérez pas. La route a été tracée par Michael Collins. Son caractère intrépide nous accompagnera tout au long du chemin. »

 

Collins meurt ainsi avant qu'il ne puisse mettre en œuvre ses concepts de régénération et de développement de ce qu'il nommait la «Nouvelle Irlande». Il rêvait d'un pays uni, dur à la tâche, artiste et prospère. « Notre force comme peuple dépendra de notre liberté économique, de notre ténacité et de notre habilité intellectuelle. Grâce à celles-ci nous pourrons rayonner parmi les nations du monde ». Son sentiment développé d'appartenance au peuple irlandais et à sa culture s'étendait également aux irlandais exilés : « Notre but national - une nation irlandaise libre et unie et une race irlandaise unie par delà les frontières, toutes deux résolues d'accomplir notre dessein à tous : une Irlande à laquelle serait rendue sa prospérité et son renom ». Michael Collins possédait ce mélange unique de qualités qui distinguent les grands de l'Histoire. Sa mort tragique, survenue trop tôt, priva l'Irlande et l'Europe d'un chef couronné de grands succès et promis à un grand avenir.

 

Michael LOFTUS. (traduction française : Luc Sterckx).

 

► Vouloir n°52/53, 1989.